Contribution aux débats du CDFN de la FSU de septembre 2019

L’été est traditionnellement la saison des mauvais coups pour les salarié-es : la Macronie en a profité pour faire voter le CETA, la loi Blanquer et la loi de destruction de la fonction publique (FP), ainsi que pour publier le rapport Delevoye sur la réforme des retraites. Après l’affaire Benalla l’an passé, l’été a aussi été entaché par un autre scandale d’état, celui du ministre De Rugy, forcé à la démission (mais qui revient en politique : pas de pudeur chez ces gens-là !). Plus dramatique, le corps de Steve a finalement été repêché dans la Loire, mais la responsabilité des forces de l’ordre n’a pas été reconnue par l’IGPN. L’impunité devient la règle pour les violences et même les crimes de la Police. Alors, acte II du quinquennat : changement de ton ? Vraiment ? En tout cas, pas de changement de fond !


Pas de changement de ligne politique à la suite d’un été pourtant jalonné de deux épisodes de canicule : l’urgence climatique est visible dans les discours mais les décisions politiques ne dévient pas de leur ligne pourtant contradictoire avec les enjeux environnementaux. La jeune militante écologiste Greta Thunberg est à peine écoutée, souvent moquée, et les grands projets inutiles ne sont pas remis en cause. E. Macron a dénoncé, dans un grand élan démagogique, la politique de Bolsonaro au G7 en s’indignant contre la destruction de la forêt amazonienne, mais force est de constater qu’en France, aucune mesure d’envergure n’est à l’ordre du jour sur la question environnementale et que le CETA est voté, malgré les ravages écologiques potentiels dont il est porteur par ses dispositions favorisant l’agriculture intensive.
Autre sujet de l’été, le sort réservé aux migrant-es. La Méditerranée reste le tombeau de nombreux-ses migrant-es, cela n’empêche pas la France de refuser d’ouvrir ses ports aux navires humanitaires. Si l’Italie de Salvini – tout récemment congédié – est emblématique de la politique xénophobe qui sévit dans nombre de pays de l’Union européenne, Macron lui non plus ne montre aucune volonté politique d’accueil des migrant-es, bien au contraire : le démantèlement des camps de fortune, les conditions indignes d’accueil et les expulsions du territoire sont la règle en France. En Europe, l’inquiétante montée de l’extrême droite, encore récemment en Allemagne, la progression des propos et des actes racistes, négrophobes, islamophobes et antisémites sont favorisées par ces politiques.
Par ailleurs, le gouvernement se refuse à tout débat sérieux sur la filiation, laissant ainsi le champ libre à la Manif pour tous qui appelle déjà à la mobilisation.
Enfin, alors que la politique du gouvernement était contestée au début de l’été (grève des urgentistes, des profs de lycées…), le président a jugé bon de parader le 14 juillet et a essuyé, comme il se doit, des sifflets et autres signes de colère. Il a néanmoins abordé le sommet du G7 fin août avec la même arrogance, et rencontré la même contestation et la même résistance de la part des militant-es réuni-es au contre sommet (les « décrocheurs-euses » et autres manifestant-es). Il faut retenir aussi de cette séquence l’usage encore une fois violent des forces de l’ordre à l’égard des manifestant-es pacifiques : la répression a même touché des observateurs de la LDH, placés en garde à vue de longues heures, sans justification. Après la mort tragique de Steve, la répression qui touche les solidaires et les manifestant-es, il faut se rendre à l’évidence : les violences policières, la restriction des libertés, l’affaiblissement de la démocratie à tous les niveaux sont des outils du pouvoir au service de son projet politique anti-social. La FSU doit continuer à s’investir dans les actions contre la répression et en faveur des droits et des libertés fondamentales.

Rentrée sociale

La colère populaire reste très présente, le climat social est tendu. Il y a eu cet été de nombreux mouvements sociaux, celui des livreurs Deliveroo, celui des femmes de chambres du groupe Accor, deux catégories de travailleurs-euses particulièrement précaires. Du côté de la FP, la grève s’étend dans les services des urgences, la moitié sont touchés par le mouvement et les médecins parlent de se joindre à eux en solidarité. Les annonces de Buzyn, très tardives (6 mois de grève) et surtout très partielles, ne répondent pas à la situation extrêmement dégradée de ce service de santé : 750 millions d’euros, pas d’ouverture de lits ni de recrutement de personnels. Les Pompiers sont eux aussi en grève depuis des mois.
Les dates de mobilisation sont nombreuses à la rentrée : le 13 septembre, ce fut une grève massive (d’une ampleur inégalée depuis 2007) à la RATP contre la réforme des retraites et des régimes spéciaux ; le 16, dans les finances publiques, avec un arc unitaire, l’intersyndicale appelle à la grève contre les suppressions massives de postes, le 19 à EDF contre le projet de démantèlement de l’entreprise… et si l’on ajoute les mouvements de grève sur la durée chez les pompiers ou les urgentistes, et la permanence du mouvement des Gilets jaunes, ou encore les mobilisations locales importantes dans l’éducation, ce panorama révèle l’étendue de la colère répandue et partagée contre la politique de ce gouvernement, témoigne de la disponibilité des salarié-es et de leur détermination à prendre le chemin de la lutte pour défendre leurs droits. La FSU doit prendre appui sur ces secteurs mobilisés pour rassembler et construire la nécessaire convergence de ces luttes.

Du côté de l’éducation, la communication ministérielle de la rentrée n’a fait oublier ni la gestion désastreuse du bac en juillet, ni les conditions dégradées d’accueil des élèves en septembre : la colère des enseignant-es est toujours vive.
A la fin de l’année scolaire, les enseignant-es de lycée ont mené une mobilisation inédite (grève du bac, surveillances et corrections) pour dénoncer la réforme du lycée, mobilisation qui se poursuit par endroits tant la rentrée est catastrophique : des établissements sont en grève, y compris des collèges (hausse des effectifs, inclusion forcée), des actions de résistance (refus de la fonction de professeur principal, refus des évaluations en primaire) émaillent une rentrée qui ne se passe pas bien, contrairement à ce que claironne le ministre. L’école Blanquer reste profondément inégalitaire, la sélection (induite par Parcoursup, par la réforme de la voie professionnelle, la mise en place des EPLEI) prive une part d’élèves de poursuites d’études choisies et pénalisent toujours et encore les jeunes issu-es des milieux populaires comme également la déprofessionnalisation des enseignant-es, le recentrage sur les savoirs dit fondamentaux ou l’individualisation des parcours comme réponse à la difficulté scolaire. Le règne des évaluations, la réforme de la formation initiale (visant l’adaptation à l’emploi et la mise en application des réformes) et les pressions hiérarchiques toujours plus fortes, déqualifient les enseignant-es, aggravant encore la situation.
L’annonce de la prétendue revalorisation de 300€ la veille de la prérentrée, et la décision de publier au JO peu de jours après le fait d’imposer 5 jours de formation sur le temps de vacances, sont reçues par les personnels pour ce qu’elles sont : mépris et provocation. Le ministre, discrédité en juillet à la suite des événements autour du bac, essaie de se refaire une santé en vantant un changement de ton à l’égard des organisations syndicales. Et puis ? Ce prétendu changement n’a aucune réalité pour les personnels, les actes sont contraires au « dialogue » affiché et procèdent comme d’habitude du passage en force. La FSU doit s’interroger sur le rôle qu’elle pense pouvoir jouer dans les différents comités de suivi mis en place par Blanquer (suivi de la réforme de la voie pro, de celle du lycée, de la mise en place des INSPÉ)…

Dans la FP, la loi votée cet été va considérablement fragiliser le statut en laissant une large place au contrat ; l’instauration de dispositifs tels que la rupture conventionnelle, le détachement d’office vers le privé des agent-es de services externalisés, la dégradation de la prise en charge des fonctionnaires momentanément privé-es d’emplois, la suppression des compétences des CAP sur les mobilités… vont faciliter la privatisation de pans entiers du service public. La fin programmée du paritarisme va percuter le syndicalisme et questionner son rôle.
Réaffirmer la défense des intérêts collectifs des personnels passera demain, encore plus qu’aujourd’hui, par la mobilisation et la construction du rapport de forces.

Salaires et retraites, FP et interpro

Si les deux questions sont liées, il faut pourtant les découpler pour amorcer les négociations : en effet, la question salariale doit être traitée en tant que telle, et non pas en lien avec une réforme des retraites que de toute façon nous refusons.
Sur les salaires, les enseignant-es sont parmi les plus mal payé-es d’Europe, certain-es fonctionnaires ont des salaires à peine au niveau du Smic, tous-tes subissent un gel de la valeur du point d’indice depuis des années, ce qui implique l’exigence d’un rattrapage pour tout le monde. Par ailleurs, le gouvernement essaie de nous emmener sur la piste de l’indemnitaire, particulièrement injuste et arbitraire (liée à un « mérite » par définition subjectif) : il faut absolument rappeler notre opposition à de telles mesures et exiger une augmentation pour tous-tes.

Sur le dossier des retraites, l’entrée au gouvernement de Delevoye en dit long sur la détermination de l’exécutif sur le sujet. Son projet, éclairé par le rapport Delevoye, détruit les solidarités intergénérationnelles issues du CNR et élargit la voie des retraites par capitalisation : nous devons résolument le combattre. Le calendrier gouvernemental étire sa mise en application pour en repousser le vote après les municipales : ainsi, il espère diluer dans le temps la contestation de ce projet, et s’y emploie en mettant sur pied une large consultation, vaste propagande médiatique, qui lui permet de déminer ce sujet explosif. Les derniers sondages (Harris, fin août) indiquent que les Français, à 66 %, ne font pas confiance à E. Macron pour faire une « bonne » réforme des retraites. Il revient donc aux organisations syndicales la responsabilité de s’emparer de ce temps pour en faire un temps militant, pour mener campagne auprès de la population, pour informer nos collègues et les préparer à combattre cette réforme. Parce qu’il s’agit d’un changement profond de modèle de société, il faut tout faire pour mener au plus vite cette campagne de façon unitaire avec les OS de lutte et de transformation sociale, et avec tous-tes celles et ceux qui s’opposent à ce projet. La FSU doit dès maintenant alerter la profession sur les dangers pour les fonctionnaires, afin de les mobiliser contre ce projet qui les pénaliserait plus que d’autres, tout en le replaçant dans la réforme globale qui touchera tou-tes les salarié-es. Il n’est pas question pour la FSU d’aménager le projet de retraite à points mais de lui faire échec. La FSU doit mener cette campagne en mettant en perspective une journée de grève dans la FP pour la défense des retraites, et la proposer à toutes les organisations syndicales dans la démarche la plus unitaire possible. Ce combat doit s’inscrire dans la construction d’un vaste mouvement social interprofessionnel.

Rassembler, s’engager, s’opposer

Rentrée sociale oblige, les dossiers dans lesquels la FSU doit s’impliquer sont nombreux.

-Le collectif unitaire (dont fait partie la FSU) pour l’obtention d’un referendum contre la privatisation d’ADP a enclenché une dynamique qu’il faut faire vivre localement : c’est une démarche citoyenne que nous devons mener de façon collective et unitaire, elle peut être un levier pour rassembler et défendre les services publics, tout en dénonçant tous les autres projets de privatisation (Engie, Française des jeux, les ports, les forêts, les barrages électriques…) comme contraires à l’intérêt général.

-Au-delà des mobilisations pour le climat des 20 et 21 septembre auxquelles la FSU participera, elle doit poursuivre son engagement pour imposer une transition écologique dans les plus courts termes.

– Le grenelle contre les violences conjugales a été lancé le 3 septembre alors que plus de 100 femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint depuis le début de l’année. Encore une fois, le gouvernement fait de l’affichage, il ne propose aucun moyen ni aucune politique globale de lutte contre les violences alors que depuis longtemps, les associations féministes et les organisations syndicales enga-gées pour les droits des femmes ont conscience des solutions à mettre en œuvre et les ont fait con-naître. Le SNES et la FSU prendront toute leur place dans les mobilisations en particulier en appelant les collègues à participer aux actions et manifestations organisées pour la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes le 25 novembre.

-La FSU doit également participer aux côtés des associations LGBTI aux contre-manifestations or-ganisées pour contrer celles de la Manif pour tous.

-Les mobilisations sectorielles sont nombreuses à cette rentrée, preuve que les salarié-es ne sont ni défait-es ni résigné-es, mais qu’ils-elles sont présent-es pour défendre leurs droits et prêt-es à se mobiliser à l’appel des syndicats : il est donc de la responsabilité de la FSU de mettre en perspective des mobilisations sur son secteur, pour construire dans la FP dans un premier temps une mobilisation pour défendre les droits des fonctionnaires. Il faut aussi chercher à faire converger les différentes luttes en cours en prenant appui sur les secteurs mobilisés pour construire un mouvement social d’ampleur.

-Afin d’éviter que ne se reproduise le « cafouillage » autour de la date du 24 septembre posée par la CGT, la FSU doit prendre contact avec CGT et Solidaires pour chercher à mettre en place un espace commun de discussion, dans le but de réfléchir et d’élaborer ensemble une stratégie syndicale à même de rassembler les salarié-es et les agent-es, ensemble public et privé, et de construire un véritable rapport de forces contre les projets du gouvernement.