Cécile Ropiteaux : contre les politiques migratoires qui alimentent le racisme

La dernière mouture du projet de loi sur l’asile et l’immigration a été communiquée la semaine dernière, et Emmanuel Macron doit annoncer aujourd’hui même, depuis Calais, les conclusions de la concertation avec les associations. Si le texte contient quelques mesures en faveur de la protection des personnes, l’esprit général est celui d’une conception de l’accueil hostile et suspicieuse, voire de la dissuasion migratoire systématique.

En décembre a été publiée la circulaire Collomb relative à l’examen des situations administratives dans l’accueil d’urgence. Elle permet d’envoyer dans les centres d’hébergement des équipes mobiles pour contrôler la situation administrative des personnes, afin d’en sortir les sans-papiers. Cette remise en cause de l’inconditionnalité de l’hébergement d’urgence a provoqué un émoi considérable. De plus, vu la situation des centres prévus pour les réfugié-es d’un côté, et celle du logement social de l’autre, cela revient à renvoyer dormir à la rue celles et ceux qui ne sont pas expulsables. Quand l’état ordonne de trier les personnes étrangères dans les centres d’hébergement, il s’agit bien d’une manifestation du racisme d’état.

Les hôpitaux psychiatriques ont failli connaître le même sort. Si le soin, l’urgence sociale ne sont plus sacralisés, la prochaine étape pourrait être l’école. A quand des directeurs et directrices auxiliaires de police ?

Les mineur-es isolés étrangers ne sont plus considérés comme des enfants en danger, mais comme de potentiels fraudeurs au droit d’asile. Certaines préfectures font preuve d’un haut degré de cynisme en mettant en doute leur minorité au prétexte même que ces mineur-es ont entamé un voyage seul-e, ce qui serait une preuve de maturité !

Plusieurs témoignages relatent des scènes dans lesquelles les migrant-es ont été dispersé-es, gazé-es, leurs tentes lacérées, leurs couvertures confisquées. Ces comportements sont indignes !

Le Tribunal permanent des peuples, saisi par 40 associations, conclut sur la « complicité de crimes contre l’humanité » de la France et de l’UE : « Il y a des textes internationaux de référence, clairs, dont personne ne peut nier qu’ils sont violés ».

Et quand des personnes agissent pour aider les migrant-es, par simple humanité, elles sont poursuivies, criminalisées, discréditées, assimilées -je cite- à « l’extrême gauche qui a causé des millions de morts en URSS » ! Ce sont pourtant ces militant-es solidaires qui sont du côté de la loi et du droit !

Ces politiques migratoires sont empreintes de racisme, et dans un double mouvement elles continuent à l’alimenter. Leur durcissement entraine de fait une augmentation des migrant-es en situation irrégulière, puisqu’elles créent cette illégalité. Les discours qui les accompagnent contribuent à une certaine extrême-droitisation de l’opinion. L’association Migreurop dénonce l’instrumentalisation et l’interprétation biaisée des chiffres, « rouage classique de la construction de l’idée d’envahissement. (…) L’immigration apparaît dès lors comme une anomalie », les responsables politiques jouant sur les peurs… ce qui légitime le durcissement des politiques migratoires.

Mais il n’y a pas que les migrant-es qui sont pointés du doigt comme danger potentiel ! Les militant-es anti-racistes, surtout quand ils et elles refusent la stigmatisation des musulman-es, sont suspecté-es d’être des islamistes ! La fachosphère et autres islamophobes passent à l’offensive, et ce gouvernement les suit. Ainsi, exemple parmi d’autres, Rockaya Diallo a été évincée du Conseil national du numérique, alors même que l’ONU la reconnaît comme experte ! Et dans ce climat délétère, les déclarations de Blanquer sur l’accompagnement des sorties scolaires, tout comme les nominations pressenties au Conseil de la laïcité, laissent craindre le pire.

Heureusement, la contestation commence à se faire entendre : des ONG dénoncent les pseudo-concertations sur le projet de loi asile-immigration et les boycottent ; la CNCDH, le Défenseur des Droits, diverses personnalités alertent sur le non respect du droit d’asile et des droits des personnes étrangères. Des élu-es LREM se désolidarisent : la députée Sonia Krimi fait une intervention remarquée à l’Assemblée, un élu macroniste de Metz rend sa légion d’honneur… Après Calais, après la Roya citoyenne, c’est au Col de l’Échelle qu’une cordée solidaire a rassemblé 300 personnes pour secourir des migrant-es. Un peu partout en France, le RESF, les collectifs de soutien agissent au quotidien.

Dans ce contexte clivé, le mouvement anti-raciste doit réagir avec vigueur, impulser des mobilisations politiques, en lien avec les actions humanitaires, comme par exemple les États généraux des migrations, et fédérer largement autour des associations de défense des droits humains.