Refondation de l’école

La «  refondation » de l’école ne doit pas faire oublier à la FSU qu’elle ne fédère pas que des enseignants de l’éducation nationale. Il n’est pas envisageable que les recréations de postes dans le MEN se fassent sur le dos des autres personnels de l’éducation nationale, des personnels des autres administrations et ministères.

Une « refondation » démocratique ne pourra se faire à moyens constants !

La concertation s’est terminée, entraînant son lot d’interrogations sur la représentativité et la légitimité des participants, laissant bien des doutes quant à ce qui serait retenu. Le rapport final laisse entrevoir une école peu différente de celle que nous avons combattue jusque-là.

Car le projet qui se dessine ne rompt pas nettement avec les grandes lignes tracées par Fillon-Chatel : du côté des personnels et du système éducatif, la gouvernance libérale est toujours de mise : du côté des élèves et des apprentissages, c’est encore une vision de l’école empreinte d’utilitarisme.

Du côté des enseignements et des élèves : le socle est conforté (même s’il évolue), ce qui induit des pratiques pédagogiques, des évaluations et des contenus qui font la part belle aux compétences (puisque le LPC est maintenu), qui privilégient un savoir proche de la « communication », et mettent en péril la notion de diplôme.

Derrière l’épineuse question des rythmes, le fait d’envisager une réduction globale des heures d’enseignement n’est pas de bon augure : moins de cours, davantage de périscolaire et donc d’externalisation, une école, certes peut-être plus « accueillante et bienveillante » mais dont le rôle se détourne, progressivement, de ses finalités de transmission de connaissances et de formation d’un individu libre et éclairé…

La socialisation est une des missions de l’école, des temps périscolaires repensés peuvent contribuer à réduire les inégalités qui prennent leur source dans la société, mais ils ne peuvent pas se substituer aux apprentissages scolaires ni aux missions assumées par l’Education Nationale.

Autre gros problème: un projet démocratique pour l’école doit s’adresser à tous les jeunes durant toute leur scolarité, jusqu’à 18 ans.

Ce projet fait l’inverse en regroupant les enseignements autour du socle jusqu’en fin de collège, en minorant le lycée et en affirmant de fait une rupture ségrégative à l’issue de la troisième.

Cela induit que le projet d’orientation prenne sa source pour certains élèves bien en amont (Peillon propose d’éduquer à l’orientation dès la 6ème !).

L’affirmation de ne laisser aucun jeune de 16 à 18 ans sans solution ne coïncide pas avec l’élévation du niveau de tous, mais bien à la recherche de solutions alternatives à une scolarisation ordinaire ou à la déscolarisation.

Contrairement à l’affichage premier, c’est une conception encore très sélective de l’école. Une énième affirmation de relance de l’apprentissage est lourde de sens dans ce contexte : elle fragilise l’enseignement professionnel public, elle représente une source d’inégalités supplémentaires dans l’accès aux formations qualifiantes, d’autant qu’elle serait soumise aux pressions des collectivités territoriales !

Du côté de la gouvernance du système, le libéralisme poursuit son œuvre : les personnels sont actuellement privés de formation initiale, et les difficultés de recrutement sont très alarmantes.

Pas de réponse satisfaisante à la demande de pré-recrutements, si ce n’est la précarité des emplois avenir enseignants. Flou également sur la formation, alors qu’elle doit elle aussi retrouver une place prépondérante, donner lieu à un allègement conséquent du service à l’entrée dans le métier : le rapport reprend la formule syndicale à son compte (« enseigner est un métier qui s’apprend »), soit ! Reste à présent à s’en donner les moyens.

Le concours exceptionnel prévu en juin donnera le statut de contractuels aux étudiants admissibles, payés ensuite à mi-temps pour un tiers temps d’enseignement… Il faut au contraire réaffirmer que le recrutement doit se faire par concours et donner lieu au statut de fonctionnaire.

Ce statut doit être préservé : le projet de décret concernant l’évaluation des enseignants a soulevé un tollé, et dans cet esprit, il faut rompre avec les primes et les carrières au mérite, et avec tous dispositifs à même de mettre les personnels en concurrence.

Le passage du rapport sur l’évaluation ne va pas du tout dans ce sens et reprend au contraire l’auto-évaluation et les entretiens sur contrats d’objectifs avec les chefs d’établissements.

Le statut doit aussi conforter les missions des uns et des autres : si des échanges de service ont lieu entre premier et second degré, si les 6ème ont moins d’enseignants devant eux, cela peut indiquer un retour à la polyvalence pour des enseignants du second degré…

Dans ce cadre, les hiérarchies intermédiaires (est clairement évoqué un « statut de directeur d’école »), les contrats d’objectifs sont des outils de pression qui n’ont que peu à voir avec l’investissement humain et pédagogique nécessaires pour mener à bien la tâche d’éducation.

L’autonomie et la contractualisation comme principes libéraux sévissent toujours et irriguent ce rapport. L’autonomie et la décentralisation accrues vont à l’encontre de l’ambition affichée d’une école commune.

**Que va en faire le gouvernement ?

Vincent Peillon va-t-il avoir la main ou le projet qui s’inscrit déjà dans un cadre budgétaire contraint sera-t-il la transposition du rapport?

Les enjeux sont grands: sur les questions de formation professionnelle, d’orientation, de « décentralisation » d ‘une partie significative des missions de l’école mais aussi sur la réduction effective des inégalités scolaires et non un simple aménagement moins douloureux pour les élèves des classes populaires.

Un autre enjeu de taille et qui peut percuter la FSU et ses SN, la mise en concurrence premier et second degré au nom d’une priorité légitime pour rattraper le retard accumulé à l’école primaire.

[(Les « vraies » négociations commencent. Gageons qu’avec ce qu’on a perçu du récent discours de François Hollande, elles ne pourront faire l’économie de l’intervention et de la mobilisation des personnels !)]