REFORME du LYCEE : La casse continue

Nous ne reviendrons pas ici sur les conditions dans lesquelles le SNES a engagé sa signature pour participer aux discussions avec le représentant du ministre, Monsieur de Gaudemar. Précisons simplement que l’Ecole émancipée s’était prononcée contre les discussions, jugeant qu’on ne pouvait séparer la réforme des structures de la politique éducative réactionnaire actuelle (suppressions de postes, nouveaux programmes en primaire et en collège, réforme du bac pro, externalisation des missions,…).

Etat des lieux
Après plusieurs rencontres du SNES avec Mr de Gaudemar, chargé par le ministre de « d’élaborer le nouveau lycée général et technologique dont notre pays a besoin », nous avons quelques éclaircissements sur la nouvelle architecture du lycée, même si de nombreux points obscurs subsistent.

La « brique » de cette nouvelle architecture est le module semestriel, que ce soit pour la seconde ou le cycle terminal. Il y a 3 types de modules : enseignements généraux, enseignements d’exploration (en seconde) ou de spécialisation (cycle terminal), et accompagnement.

• Classe de seconde
– L’horaire hebdomadaire de l’élève est 27 h (une trentaine actuellement, suivant les options)
– La répartition des enseignements en terme de temps scolaire est respectivement de 60%, 25% et 15%. L’année comprend 18 modules semestriels : La répartition suivant les types est 11, 4 et 2.
– Les enseignements généraux comprennent lettres, maths, LV1 et LV2, EPS et histoire-géographie, ceux d’exploration SES, ISI, SMS, IGC, LV3, arts, histoire des arts. Ces derniers sont classés par famille, l’élève devant choisir ses modules parmi au moins deux d’entre elles. L’accompagnement est du domaine de « l’autonomie des établissements », et son contenu n’est donc pas précisé.

• Cycle terminal
– La répartition des enseignements en terme de temps scolaire est maintenant de 45%, 45% et 10%, avec 16 modules généraux et 16 modules de spécialisation sur tout le cycle.

– Les enseignements généraux « indispensables » comprennent lettres, maths, LV1 et LV2, et philosophie (dès la première ?). Les modules sont répartis en 4 familles (humanités et arts, sciences, sciences de la société et technologies, cette dernière étant divisée en sous-parcours (SMS, STI, …). L’élève « colorera son parcours » en choisissant, parmi les 16 modules de spécialisation proposés sur deux ans, au moins 9 modules de la même famille.

• Baccalauréat

– « La nouvelle organisation (du lycée) aura des conséquences sur le rapport relatif entre les épreuves finales et le contrôle continu » (interview du recteur de Gaudemar au journal « la Provence » le 17/07/2008).

• Questions en suspens (liste non exhaustive)
– La physique-chimie et les SVT ne sont pas présentes en seconde, avec les conséquences que l’on peut deviner en terme de postes. Elles apparaîtraient dans le cycle terminal, avec éventuellement une coupure entre physique et chimie, entre biologie et géologie. Mr de Gaudemar n’exclut pas de faire de même pour l’histoire et la géographie, pour les SES et la sociologie.
– L’évaluation : les modules sont-ils des unités capitalisables ? A quelles conditions le passage en première est-il obtenu ?
– Le contenu des enseignements : comment passer des programmes annuels actuels aux modules semestriels ? Question d’autant plus pressante que la nouvelle classe de seconde doit être mise en place dès la rentrée 2009, Mr Darcos ayant pour l’instant refusé de répondre à la demande unanime de report de la part des syndicats.
– Les modules d’exploration ou spécialisation seront-ils tous présents dans tous les établissements ?
– Quelles conséquences pour les personnels de la semestrialisation des enseignements ? La référence hebdomadaire de nos services va-t-elle disparaître ?
– L’individualisation des parcours (outre les problèmes qu’elle pose d’un point de vue « idéologique » – l’élève fait son marché dans l’école) ne sera-t-elle pas une usine à gaz impossible à mettre en place concrètement ?

Les dangers potentiels de la réforme

Comme d’habitude dans ces cas là, les initiateurs présentent leurs projets comme émancipateurs, rompant avec le vieux lycée napoléonien en permettant à l’élève de faire des choix raisonnés en toute autonomie.
Nous ne défendons évidemment pas le lycée actuel, avec ses séries et ses voies qui organisent le tri social. De ce point de vue, le maintien de la voie professionnelle n’arrangera rien. La critique portée par le ministre contre un lycée qui n’aurait pas changé depuis le 19° siècle est révélatrice d’une mauvaise foi évidente : les cours magistraux ont disparu depuis longtemps des établissements, et si les situations d’apprentissage ne sont pas assez variées, il faut plutôt en voir la raison dans la lourdeur des effectifs de classe que dans une prétendue incapacité des enseignants à « innover ». La politique budgétaire actuelle, le dogme de la RGPP pèsent négativement sur toute politique « pédagogique ».
L’autonomie, celle des élèves ou celle des établissements (ou plutôt celle de leurs chefs), est érigée en dogme incontournable. Elle servira à accroître la concurrence entre les établissements, à individualiser les parcours suivant les « aspirations, besoins et capacités », comme si ceux-ci n’étaient pas déterminés socialement. Sous couvert de liberté, on rend l’élève responsable de ses éventuels échecs, sans s’interroger sur les responsabilités de l’institution.
La réduction des enseignements généraux est contradictoire avec la promotion d’une culture commune. La polyvalence telle qu’elle est promue veut faire coïncider le profil scolaire du lycéen à une hiérarchisation grandissante des formations du supérieur : l’alternance par apprentissage privé dans le supérieur est développée, en même temps que la concurrence dans le système universitaire où les formations seront de plus en plus hiérarchisées, alors que les grandes écoles demeurent la voie essentielle de formation des élites.
Enfin, la réduction des horaires de cours au profit de l’accompagnement dit éducatif, la modularisation des enseignements par semestre et la souplesse de gestion ne peuvent qu’avoir des effets négatifs sur nos métiers (statuts, services, missions, recours à des personnels extérieurs précaires).