Circulaire de rentrée 2013

La circulaire de rentrée trace tous les ans les orientations de la politique éducative pour l’année à venir ; cette année, elle revêt un caractère particulier puisqu’elle met en musique les grandes lignes tracées par la la loi d’orientation.

Première remarque : la loi ne nous convient pas, et la circulaire, qui traduit fidèlement les orientations déjà contestées, ne nous convient donc pas davantage.

Tromperie

Le texte s’ouvre sur la nécessité de doter l’éducation en ressources humaines afin d’en rappeler la priorité. C’est à nouveau les 60000 postes promis qui sont mis sur le devant de la scène, d’ailleurs repris par les médias pour célébrer l’action du gouvernement, les mêmes postes qui ont fait dire aux OS à l’automne que la loi comportait des « avancées » : on sait aujourd’hui les limites de cette programmation, et surtout on n’ignore plus rien des politiques éducatives qu’elle contribue à masquer, à faire passer au second plan dans la communication….

Architecture du texte

Trois grandes parties :

1- Les priorités : formation des enseignants, numérique, continuité de la maternelle au collège

2- Réussir dans le second degré et insertion professionnelle

3- Réussite et climat scolaire

Au fil du texte

1-

  • Les ESPE : liens avec l’université, stages pour étudiants ; accueil spécifique des étudiants admissibles en juin (et en poste à temps partiel à a rentrée) ainsi que des EAP. Création d’un « Campus numérique » : formations en ligne (formations initiale et continue, notamment pour 1er degré, cf leurs obligations de service modifiées par circulaire en février 2013).
  • La maternelle : un cycle à part entière ; missions réaffirmées ; scolarisation avant 3 ans dans zones prioritaires.
  • Priorité au primaire : plus de maîtres que de classes ; rôle des RASED réaffirmé ; rythmes scolaires : 9 demi-journées et APC ; importance des PEDT ; évaluations repensées.
  • L’ère du numérique : mise en place d’un « service public du numérique éducatif »
  • Décrochage scolaire : traduction d’un point élaboré lors des « chantiers » Peillon, en marge de la loi. Constitution d’un réseau « Foquale » (formation, qualification, emploi). Désignation d’un référent par établissement au fort taux d’absentéisme. Dispositifs relais réaffirmés. Parcours individuels d’orientation pour éviter orientation subie. Expérimentation dans certaines académies du libre choix laissé aux familles pour l’orientation fin de 3ème.
  • Education artistique et culturelle : parcours individuel au cours de l’ensemble de la scolarité. Pédagogie de projets et partenariats locaux à développer.

2-

  • Le texte sur le second degré s’intitule « une année de transition pour des réformes à venir »… Comme indiqué dans la loi, il est répété que des décrets devraient définir la durée des cycles, le contenu du socle et son évaluation. Par conséquent, l’année 2013-14, en collège comme en lycée, est une année de transition.
  • Collège unique et diversification des parcours : le collège est organisé autour du socle, donc doit renforcer ses liens avec le primaire, et assurer la transition. LPC simplifié mais maintenu. Evaluations 5ème pour collèges volontaires. DIMA possible pour élèves de 15 ans. Maintien des 3ème prépa-pro. Maîtrise des LV facilitée par numérique, et liaison avec le primaire.
  • Lycée : fin de la réforme engagée, et bilan ; année prochaine de transition. Poursuite de l’AP, et des stages (mise à niveau, passerelles). Mise en place d’un « parcours » pour éviter le décrochage et/ou assurer le lien avec les poursuites d’études. Mesures de valorisation de la voie professionnelle (problème en LP : peu de réussite, sorties sans qualif fréquentes). Mise en place de campus des métiers : lieu unique, acteurs et formations diverses (lycées, mais aussi centres d’apprentissage, organismes de formation, entreprises….). En attendant des « mesures de simplification des modalités de certification » au bac pro, veiller à conforter les diplômes intermédiaires.
    Carte formations professionnelles à voir avec les Régions.
  • Formation tout au long de la vie : pour tous les élèves, à l’aide des GRETA, pour permettre l’insertion professionnelle

3-

  • Education prioritaire : rien de nouveau. On garde ECLAIR. Assises de l’EP à l’automne.
  • Recentrer les moyens sur les besoins, repenser les priorités en termes de dérogations à la carte scolaire. Tous les internats doivent afficher « l’excellence » comme objectif. Création des « internats relais » pour renforcer les dispositifs du même nom (à la place des ERS).
  • Elèves en situation de handicap : PPS (projet personnel de scolarisation), CLIS, ULIS… mais aussi élèves allophones et précoces.
  • Référent académique « mémoire et citoyenneté » : pour favoriser le « vivre ensemble » ; combattre les discriminations… Lutter contre l’absentéisme : rappel des APS.
  • Education à … : la santé, la citoyenneté, les comportements responsables, la sexualité, le développement durable…Sport scolaire conforté.
  • Les partenariats : collectivités territoriales partenaires privilégiées (financent 25% dépense éducative) : contrats d’objectifs triparites en les associant. Partenariat avec associations aussi. Contrats d’objectifs aussi entre administration centrale et académies ( « dialogue de gestion et de performance »).
    Liens avec les familles : création des « espaces parents ». Lutte contre illettrisme. Droit de tous à la restauration scolaire
  • L’innovation : encouragée, ainsi que l’expérimentation ; création d’un conseil national de l’innovation, et de conseillers académiques.

Ce qui pose problème

  • Les intentions affichées et la réalité du terrain :
    Dispositif « plus de maîtres… » : effets pervers constatés dans la préparation de la rentrée, on ferme une classe et celle d’à côté a un effectif très lourd, mais bénéficie d’un maître surnuméraire…
  • Le primaire : centré sur les fondamentaux. Avec les parcours artistiques, risque de voir tout ce qui est « culturel » relégué au périscolaire.
  • Continuité école-collège : socle réaffirmé comme objectif cible de la scolarité obligatoire ; bloc 1er-2d degrés réaffirmé.
  • Le parcours artistique et culturel : la circulaire parue le 10 avril donne des précisions inquiétantes sur la mise en œuvre de tels parcours : danger d’externalisation des enseignements, de dilution des missions, de disparités territoriales en fonction des ressources locales (en moyens humains et financiers) mises en œuvre, …
  • les référents : décrochage, « mémoire et citoyenneté »… Questions sans réponses : missions, statut, rémunération ? Les APS, personnels au statut et missions contestés, sont maintenus.
  • Le recours systématique à la réponse individualisante :
    _*Les parcours fleurissent : en orientation, en lycée, en Arts et culture. Cette volonté d’éducation « à la carte » doit nous interpeller. Fin du cadre collectif d’apprentissage et de références nationales. L’aspect portefeuille individuel et traçabilité des parcours ne va pas dans le bon sens non plus…
  • L’évaluation : toujours LPC, toujours socle, et pire, menaces sur le bac pro (le texte parle de « certification intermédiaire »)
  • L’éducation prioritaire est un chantier totalement inachevé : dans la circulaire, rien ne transparaît si ce n’est le maintien des ECLAIR tant contestés et l’encouragement à l’innovation (qui équivaut souvent, dans ce contexte, à une déréglementation tous azimuts). Les internats d’excellence sont maintenus.
  • Pas un mot sur le retour à une carte scolaire résolue : dans ce cadre, l’EP va souffrir une fois de plus du phénomène de ghettoïsation qu’elle connaît.
  • Gouvernance, pilotage par les résultats, contrats d’objectifs, contractualisation des moyens expérimentation et innovation sans cadrage national : tout est en place. Continuité absolue avec situation antérieure
  • Risque d’éclatement de l’éducation sur le territoire : référence individuelle ou locale érigée en norme. Lourde part de responsabilités déléguées aux collectivités territoriales.

Ce qui n’est pas écrit : les médias ont retenu comme seule information la création de postes : en effet, Peillon insiste sur ce point car pour le reste, on ne voit pas quelle priorité va se dégager en terme de politique éducative, et surtout pas en terme de rupture. La circulaire est un catalogue de déclinaisons de ce qui est déjà dans la loi… Le texte assène l’objectif d’amélioration des résultats : mais rien n’est dit sur la façon d’y parvenir, c’est incantatoire.

Et qu’on aurait souhaité… : pas un mot sur le métier en général (temps de travail, missions) et les statuts en particulier. Le texte ne tranche pas certaines questions qui étaient renvoyées à circulaires et décrets par la loi (durée et contenu des cycles, par exemple) : toujours dans le flou. Pas de position ferme sur les points de contact avec loi de décentralisation. Certaines décisions qui ne coûtaient rien n’ont pas été prises, cela dénote des divergences profondes sur le projet éducatif.

Lignes de force

Continuité avec la loi Fillon : LPC, ECLAIR, Socle, DIMA, réforme des lycées,… mais aussi école du socle, école coupée en 2 blocs

Employabilité réaffirmée comme finalité de l’école : relance de l’apprentissage, campus des métiers, réponses aux sorties sans qualifications renvoyées à la formation tout au long de la vie…

Individualisation à tous les étages : dans la réponse à la difficulté scolaire, dans la construction du savoir… Notion de parcours individuels, pour systématisée…

Eclatement sur le territoire : Campus des métiers, partenariats, expérimentations, carte régionale des formations professionnelles, etc : pas de cadrage national, et pire ! Financement non prévu en termes de péréquation : dans ce cadre, le « service public du numérique » ne se traduira pas de façon égalitaire selon les territoires…

Véronique Ponvert, le 12 avril