Un ministère ne suffit pas…

Les mois de mai et juin 2011 avaient été marqués par « l’affaire Strauss Kahn » et sa ribambelle de propos sexistes -comme celui d’Yvan Levaï le 6 octobre sur France Inter : « pour un viol, il faut un couteau,
un pistolet, etc…» – démontrant la masse de travail qui nous reste à faire en matière de prévention
et d’éducation contre les violences sexistes et sexuelles. En juin 2012, malgré l’existence d’un gouvernement paritaire, les réflexes sexistes sont toujours bien présents comme celui d’Yves Calvi,
trouvant François Hollande « très embarrassé quand il faut mettre une petite tape sur les fesses de Cécile Duflot ».

Le sexisme ordinaire, quotidien, les violences faites aux femmes n’ont pas disparu, et l’annulation de la Loi sur le harcèlement sexuel par le Conseil constitutionnel aura été un coup directement porté aux victimes. Le chantier des droits des femmes s’avérait donc aussi immense qu’on le pensait, mais si, depuis le 6 mai, des décisions politiques ont été prises, à part la proposition de Loi sur la harcèlement qui semble aller de soi, rien de nouveau sous le soleil du gouvernement Hollande.

Hors champs

Si un Ministère des Droits des femmes était une revendication du mouvement féministe, il ne peut être à lui seul, garant de leurs droits. La composition des cabinets ministériels est là pour rappeler que la parité, si elle s’instaure au niveau du gouvernement, n’est en tous cas pas une préoccupation majeure pour la composition des équipes : « Sur 140 directeurs, directeurs adjoints et chefs de cabinets, seules 38 femmes ont été nommées, dont 5 directrices de cabinet sur 34 directeurs (soit 15% d’entre eux), 4 directrices adjointes sur 18 (soit 22% d’entre eux), 5 chefs de cabinet sur 30 (soit 16% d’entre eux) et une femme sur 9 conseillers spéciaux. Pour les directeurs de cabinets, ces chiffres sont pires que ceux de la représentation féminine actuelle à l’Assemblée nationale. » (1)

Un chantier à reconstruire

Si certain-es peuvent considérer le Ministère des Droits des femmes comme un épiphénomène, ses missions n’en sont pas moins gigantesques. Le saccage organisé des services publics et des droits sociaux aura percuté de plein fouet les droits des femmes et leur émancipation.

La réforme des retraites, le manque de moyens du service public hospitalier et le refus de la droite de s’atteler à la question de la contraception des jeunes, la casse du service public d’éducation et donc de formation des personnels et des moyens alloués tant aux projets éducatifs qu’aux heures de cours, le recul de la possibilité d’entrer en maternelle pour les enfants de moins de trois ans, l’inapplication de la loi sur l’égalité professionnelle ou le désintérêt porté au service public de la petite enfance comme à la justice, sont autant d’exemples des reculs subis ces dernières années.

La future Loi sur le harcèlement sexuel reste une avancée mais le mouvement des femmes s’accorde à dire qu’il faut aller plus loin.

Le travail des organisations féministes et syndicales a permis l’émergence de demandes réelles et concrètes.(2) La tâche de la Ministre est donc maintenant de s’y atteler pour les inscrire dans les actions politiques.

Concertation
et revendications

Des annonces ont été faites le 7 juin par Najat Vallaud Belkacem comme la création d’« une instance chargée d’observer les violences faites aux femmes, de recueillir les données, de les analyser, de nous conseiller sur les bonnes stratégies à mettre en place » ou le renforcement « des contrôles de l’Inspection du travail », la multiplication « des outils de transparence afin d’aider à la prise de conscience dans les entreprises » et « la sensibilisation des enfants à la lutte contre les discriminations et les violences ». Ces promesses vont dans le bon sens, tout en restant limitées, mais elles nécessiteront, comme nous le revendiquons, des moyens réels donnés aux services publics, aux associations, aux agents publics, à la formation professionnelle, à l’école. Une politique d’austérité ne sera pas compatible avec le programme annoncé.
A nous, dès la rentrée, lors du 25 novembre et toute l’année, de maintenir et créer les mobilisations nécessaires, tant nationalement que localement, pour continuer à faire vivre nos revendications, qui, si elles sont pour certaines reprises par le gouvernement, ne seront gagnées, comme tous les droits sociaux, que par nos mobilisations. ●

Ingrid Darroman

1) http://assembleedesfemmes-paris-idf.fr

2) www.sijetaispresidente.org , http://www.laboratoiredelegalite.org/, http://femmes-solidaires.org,