Sécurité ou confiance

La proposition récente et éculée de supprimer les allocations
familiales aux parents des élèves « violents » est symptomatique d’une
conception de la sécurité dans les établissements scolaires liée
inévitablement à la sanction comme outil de dissuasion. Et s’il était
question, non pas de lutte contre la violence, mais de conditions
éducatives favorables ?

La confusion entre sécurité et sûreté (une garantie contre
l’arbitraire du pouvoir) a entraîné le glissement de l’école
protectrice à l’école qui se protège, parfois de ses élèves, qu’elle
se doit pourtant d’accueillir. La diabolisation des jeux vidéo, du
téléphone portable, des réseaux sociaux dans un discours toujours plus
culpabilisant pour les élèves et leurs familles éloigne l’institution
de ses usager-es.

L’accumulation insécurisante de réformes fait reculer la capacité de
l’école à jouer son rôle essentiel d’ascenseur social. La première
insécurité reste celle de ne pouvoir accéder à ses désirs scolaires,
métier ou études souhaitées. Le rôle des apprentissages, d’un lien
fort aux savoirs, est central. Quand une classe de 6ème compte 31
élèves, combien d’entre eux-elles ne peuvent être accompagné-es dans
la résolution de leurs difficultés ? Une salle d’étude à 45 élèves
est-elle un lieu propice à la révision et au travail personnel ?

Au-delà de cette sécurité sociale, c’est la sécurité physique
(celle qui protège au quotidien) dont il s’agit (le #pasdevague
en a été un exemple récent) qui ne peut être cantonnée à des
exercices anti intrusion des PPMS parfois très anxiogènes.

Cette sécurité, c’est celle qui s’exerce partout avec la
présence de personnels attentifs, devant un portail, dans une
cour, des couloirs, des salles de classe ; une infirmière qui
chaque jour peut « soigner » ; des personnels éducatifs qui ont
du temps pour faire des entretiens. Le travail collectif autour
des élèves est un travail d’accompagnement qui intègre une
collaboration avec les acteurs extérieurs pour des réponses
rapides. La non-prise en compte des situations personnelles,
des besoins (informations préoccupantes non faites ou non
traitées rapidement) donne un fort sentiment (réel finalement,
car en phase avec la réalité) d’insécurité.

Permettre une sécurité à l’intérieur de l’établissement, c’est
rendre les élèves plus solides pour leur vie extérieure. La
connaissance du secteur de scolarisation permet pour
l’établissement scolaire un accompagnement au plus près des
élèves et leurs familles.

Sécurité et action quotidienne

La question de la résolution rapide des conflits (entre élèves,
entre personnels et élèves, ou entre personnels) reste la clé
d’une école sécurisée. Un petit conflit, un petit problème
dans les yeux des adultes est peut-être Le conflit de la courte
vie d’un-e enfant ou d’un-e adolescent-e.

La prévention des discriminations, des moyens donnés aux CESC et
aux actions éducatives, permettent de créer des prises de
conscience, puis des lieux où la parole des élèves peut
s’exprimer.

Les pratiques professionnelles liant écoute/punition/sanction
doivent être mises en place collectivement, horizontalement,
pour permettre à chacun de considérer l’école comme un socle
solide. Une école qui doit travailler à la co-éducation avec
les parents d’élèves, alliés, alors qu’aujourd’hui
l’institution les culpabilise en les qualifiant de
démissionnaires.

Mais sans angélisme, cette école doit punir justement,
éducativement. Les punitions ou sanctions systématiques, non
individualisées, créent un sentiment d’injustice, donc
d’insécurité. L’approche sécuritaire de la punition (comme
les peines planchers en droit pénal) n’est qu’un moyen de plus
punir sans éduquer.

Au-delà de l’augmentation des personnels (assistant-es
d’éducation, CPE, enseignant-es) qui va de soi, c’est
d’abord par des conditions d’accueil, d’apprentissage, de
soutien, d’écoute et d’accompagnement que la sécurité des
établissements peut progresser. Ces conditions ne pourront
progresser sans que la parole des professionnel-les de terrain
soit écoutée.

Ingrid Darroman, CPE