Palestine et Israël dans les manuels

Les manuels scolaires ne sont jamais au hit-parade des ventes de la rentrée littéraire. Pourtant, leur tirage est bien supérieur. Plus gênant,
ils ne font qu’exceptionnellement l’objet d’analyses
par ceux que l’on pourrait croire attentifs à leur contenu : les associations professionnelles et syndicats d’enseignants par exemple.

Si l’on pense que l’école peut être un lieu où l’on essaie de combattre l’inculcation de l’idéologie dominante, alors on ne peut rester muet quand les manuels diffusent des contrevérités qui ne sont pas innocentes. La question israélo-palestinienne est à cet égard emblématique. Des sept manuels de Terminale L et ES étudiés ici(1), aucun n’échappe à la critique. Petit florilège.

Sur le choc des civisations…

Bordas ouvre le chapitre consacré au Moyen Orient sur une double page : à gauche, la naissance de l’État d’Israël, c’est la fête le 14 mai 1948 ; une petite fille juchée sur l’épaule de son père sourit en agitant le drapeau israélien. On peut trouver des photos comparables prises lors des défilés du Front Populaire. A droite, la révolution islamique triomphe à Téhéran en novembre 1979. La foule vociférante brûle le drapeau américain. Choc des civilisations. Nous ne sommes pas du même monde.

En rendant compte de l’effroyable massacre d’Hébron, Magnard écrit par exemple : « En 1929, LES Juifs d’Hébron sont massacrés par LA population arabe ». C’est ethniciser le conflit en oubliant que des centaines de Juifs d’Hébron ont été heureusement sauvés par DES Arabes d’Hébron.

Qualifier la violence

Belin consacre une page au terrorisme palestinien des années 1960-1970. Extraits de la carte nationale palestinienne, photo de la prise d’otages au Jeux olympiques de Munich. Consigne pour l’étude de la Charte : trouvez dans le texte ce qui justifie le recours au terrorisme. Et de préciser : « Attention (sic), il n’est pas demandé de justifier le terrorisme ou de prendre parti pour ou contre la thèse de la Charte palestinienne mais d’en rendre compte. » On n’est jamais trop prudent. N’empêche. Il n’y a aucune référence au terrorisme dans la Charte. Il y est effectivement dit que la lutte armée est la seule voie pour la libération de la Palestine et que l’action des commandos constitue le noyau de la guerre populaire palestinienne de libération.

Certes, l’OLP, dans sa justification de diverses actions, fera cette confusion entre terrorisme et lutte armée. Mais ce que l’élève ignorera, c’est la possibilité de faire cette distinction. Alors même que le droit de se révolter et de prendre les armes contre l’oppression est explicitement prévu par les textes du droit international ! Et bien sûr, pas trace des résolutions de l’ONU condamnant le blocus de Gaza et l’opération « plomb durci » à Gaza, pas de référence à un quelconque terrorisme d’État.

La faute aux Palestiniens

Hachette commence le chapitre par ce scandale récurrent : « Le refus du plan de partage de la Palestine par les Arabes, qui prennent les armes, entraîne des affrontements avec les Juifs, à la fin du mandat britannique. ». L’exode commence à la défaite arabe de 48 (version aujourd’hui rejetée par tous les historiens). Le mot Naqba, que Hachette avait osé introduire dans le livre de première l’an dernier, et maintenu malgré l’ire du Crif, a disparu(2). Le blocus de Gaza et l’opération Plomb durci sont ignorés.

Le Nathan Le Quintrec est catégorique : « Un conflit toujours sans issue. (…) Confronté à la menace permanente de tirs de roquettes et d’attentats suicides, Israël est de nouveau intervenu au Liban en 2006 et a édifié une « barrière de sécurité » en Cisjordanie. » C’est là un travers que l’on retrouve presque dans tous les ouvrages : l’intervention militaire israélienne est toujours une riposte. Jamais un attentat n’est une réponse à une exécution extra judiciaire par drone. Dans l’enchaînement permanent, l’action armée initiale est toujours palestinienne !

Soulignons encore que certains comme le Hatier indiquent Jérusalem comme capitale d’Israël, sans signaler que seule Tel Aviv est reconnue internationalement comme telle.

Ce bref coup de projecteur pour dire qu’il y du boulot !

André Rosevègue et Marie-Cécile Périllat

1) Dans le cadre de l’Association France Palestine Solidarité (AFPS) qui a créé un groupe de travail
sur cette question des manuels scolaires.
Il ne demande qu’à se renforcer.

2) L’AFPS et l’Union Juive Française pour la Paix (UJFP) avaient dénoncé cette prétention du CRIF
à dicter sa loi aux auteurs.
Hachette a probablement compris qu’en obligeant ses auteurs à revoir leur copie cela créerait
un précédent infernal.