Nouvelles politiques pénales : un air de changement ?

La nouvelle Garde des Sceaux, Christianne Taubira, cristallise depuis sa prise de fonction les attaques de la précédente majorité qui l’accuse de faire entrer la France dans l’air du laxisme pénal. Le virage est-il donc si radical ?

Après des années de surenchère sécuritaire, après des années passées à faire de l’enfermement la seule réponse pénale possible, le changement de discours, c’est, sans conteste, maintenant ! Les déclarations de la Ministre dans les premières semaines de sa prise de fonction sont sans ambiguité : « Il faut recréer une politique pénale qui, sur la base de la lutte contre la récidive, fait de la pédagogie autour de la sanction (…) Il y a des années qu’on sait que la prison, sur les courtes peines, génère de la récidive, c’est presque mécanique. Je le dis, il faut arrêter ! Ça désocialise, ça coûte cher et ça fait de nouvelles victimes. (…) La droite a fait croire à l’opinion publique qu’en enfermant de plus en plus, n’importe comment, et pour n’importe quoi, on assurait sa sécurité. Or, on met aussi des humains en péril. Ça, j’ai le devoir de le démontrer. L’opinion publique a été totalement endoctrinée par des informations partisanes que l’on a portées sciemment à sa connaissance. » (Libération-7 août 2012). Pour la FSU, présente au Ministère de la Justice à la protection judiciaire de la jeunesse (SNPES-PJJ) et à l’administration pénitentiaire (SNEPAP-FSU), les interventions répétées de la Ministre en ce sens laissent donc entrevoir les prémisses d’une autre politique pénale.

Du discours …

Dès la fin de l’été, la Ministre a annoncé la mise en place d’une conférence de consensus chargé d’aboutir en février 2013 à des recommandations en matière de « prévention de la récidive ». L’objectif, au delà du contenu technique, semble être, là encore, le même : convaincre l’opinion qu’il faut punir autrement et développer une autre réponse pénale efficace, à savoir la probation, portée à ce jour par des SPIP (Services Pénitentiaires d’Insertion et de Probation qui assurent le suivi des personnes condamnées, incarcérées ou non, soit 246 000 personnes) laissés en jachère par le précédent gouvernement. Dans la circulaire de politique pénale du 19 septembre 2012, elle réaffirme l’indépendance des magistrats et incite ceux-ci à utiliser toutes les possibilités de notre droit afin d’éviter l’incarcération lorsque celle-ci n’est pas nécessaire, via les procédure d’aménagement de peine dits « ab initio », c’est à dire au moment du prononcé de la sanction. Elle appelle également les magistrats à contourner la loi relative aux peines planchers, qui niait toute individualisation de la sanction tout en abreuvant les prisons de courtes peines d’incarcération, dès que possible. Objectif affiché : lutter contre une surpopulation carcérale qui a atteint récemment des sommets historiques.

…à la réalité

Le budget 2013, s’il comprend des créations d’emplois dans un contexte contraint, a pourtant été ressenti comme une douche froide par les personnels pénitentiaires, car il n’a pas traduit les discours de la Ministre. Il reste ainsi amputé par les engagements du précédent gouvernement : assurer le fonctionnement des nouveaux établissements pénitentiaires sortis récemment de terre. Une part importante des effectifs supplémentaires qui y seront affectés ne viendront donc pas en renforts des équipes existantes. L’exemple le plus frappant reste celui du corps de conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation dont la ministre avait déclaré : « Il faut aussi des conseillers d’insertion et de probation (CPIP), les SPIP sont asphyxiés (…). La droite a rempli les prisons pendant dix ans et s’est rendu compte un beau matin qu’il fallait les vider ! Ça fait partie des mes priorités de rétablir un volet suffisant de conseillers pénitentiaires. à 130 dossiers par tête, c’est impossible de travailler. Moi, je vais faire des exploits, pas des miracles. » Avec 63 emplois créés dans les SPIP, dont 43 CPIP, la priorité reste peu prioritaire et l’exploit pas miraculeux… Sans compter qu’en accentuant le développement des aménagements de peine, via sa circulaire du 19/09/2012, la Ministre entend vider les prisons, et c’est tant mieux, mais elle charge la barque de SPIP déjà exsangues… Et pendant ce temps, la loi sur les peines planchers n’est toujours pas abrogée, et continue malgré tout à alimenter les prisons… Bref, aujourd’hui, la FSU attend de la Ministre qu’elle passe à l’acte !

Charlotte Cloarec
(SNEPAP FSU)