Marc Rollin (CAN) : sur le lycée que nous voulons

Certes, nous ne sommes pas en congrès mais, selon nous, on ne peut pas penser ou repenser le lycée si on ne s’autorise pas à questionner nos propres mandats, à la lumière des nouveaux travaux et rapports et à la lumière de la période électorale. Par ailleurs, nous nous réjouissons que les mandats historiques de l’EE servent d’introduction aux débats mais il serait également intéressant de connaître les réponses apportées par UA sur le sujet. Par conséquent, congrès ou non, nous allons développer notre point de vue car, effectivement, nous ne faisons pas les mêmes constats et n’avons pas les mêmes réponses donc nous le disons. Depuis Bourdieu et Passeron, nous connaissons la surreprésentation des enfants des familles culturellement favorisées dans les filières générales du lycée et dans l’enseignement supérieur et, à l’inverse, la sous-représentation des enfants d’origine populaire dans ces mêmes filières, indiquant que l’Ecole sélectionne socialement. Les statistiques et études actuelles montrent malheureusement la même chose et nous poussent donc à interroger et les politiques menées autour de la démocratisation et les mécanismes, y compris au sein de la classe, qui construisent les inégalités. Pour parvenir à une démocratisation du lycée, l’Ecole émancipée et d’autres, pensent qu’il faut relever le défi du lycée commun, dans le cadre d’une refonte de l’Ecole dans son ensemble. Ce lycée commun s’oppose clairement aux politiques de diversification, menées depuis des années et qui ont montré toutes leurs limites et de passerelles qui, outre le fait qu’elles ne sont qu’une réponse individuelle, qui dépend directement de moyens souvent indisponibles, impliquent, de part leur existence même, une hiérarchie entre les voies et les séries. Ce lycée commun invitera forcément à repenser les contenus et les pratiques, la formation et l’évaluation. Ce lycée commun n’offre pas qu’un horizon pédagogique mais politique aussi : en effet, l’ambition qu’il sous-tend met à mal les idéologies du don, des talents, du socle, du Bac -3 / Bac +3, portées par la droite et une partie de la gauche. Pour l’Ecole Emancipée, comme vous le lirez dans notre contribution, ce lycée commun peut être un levier de transformation du système éducatif, lui-même inséré dans une société en constante mutation et qu’il faut transformer aussi car nul doute que les inégalités sociales et scolaires ont des liens étroits. Pour toutes ces raisons, nous ne croyons pas aux simples ajustements du programme entre collège et lycée, au développement des stages professionnels, à l’orientation trop hâtive. Nous pensons, au contraire, que la continuité et les structures doivent être questionnées, pour s’autoriser à penser au-delà de l’existant. Le chantier est immense mais “l’acquisition d’une culture commune générale, technologique et professionnelle” qui “améliore la transition vers le supérieur”, comme le disent nos mandats, implique d’affirmer haut et fort le slogan “toutes et tous capables”.

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