Le monde n’appartient pas aux dominant·es, ni les corps qui l’habitent !

Quel est le point commun entre les actualités qui suivent ?
Alors que les laboratoires privés annoncent des retards dans la production de leurs vaccins, le gouvernement se refuse à faire tomber les brevets dans le domaine public, bien que des dispositions législatives le permettent.
En vertu des conceptions très conservatrices de l’Académie Française, le député (LREM) F. Jolivet dépose une proposition de loi visant l’interdiction de l’écriture inclusive dans les documents administratifs, proposition très proche de celle déposée par les député-es RN en juillet dernier.
V. Bolloré, pour s’éviter un procès retentissant, plaide coupable devant le tribunal judiciaire de Paris : oui, il savait que plusieurs de ses sociétés avaient aidé le président du Togo à se faire réélire en échange de juteux contrats. Dans le même temps, sa chaîne CNews stigmatise l’« islamo-gauchisme » à l’université et à travers cela, les études postcoloniales, en déroulant le tapis rouge à F. Vidal (visiblement plus préoccupée par le fait de sauver sa place que la peau des étudiant-es enfermé-es derrière leurs écrans).
N. Sarkozy est condamné à trois ans de prison (dont un ferme) pour corruption et trafic d’influence dans l’affaire dite « des écoutes ». Il s’invite dans les 48 heures au JT de TF1 pour dénoncer, avec d’autres, une justice politique.
Le projet de loi « climat et résilience » ne reprend que 10 des 149 mesures de la Convention citoyenne : les autres ont été rejetées ou tronquées.
Il s’agit de cinq histoires de dominations (capitaliste, patriarcale, postcoloniale, politique…), parfois cumulées. On aurait pu en convoquer d’autres et chacun-e complétera malheureusement facilement.
De toutes les histoires de domination, les histoires d’inceste sont sans doute les plus difficiles à regarder en face, mais aussi celles qui permettent le mieux de comprendre comment les dominants (pas de féminisation ici, les incesteurs sont très majoritairement des hommes) dominent : par le caractère systémique des abus, mais aussi par les mécaniques qui visent à réduire au silence celles et ceux qu’ils dominent, pour les empêcher de se découvrir des milliers.
Début janvier, Camille Kouchner osait briser le silence. Depuis, on n’en finit pas de reconnaître l’ampleur du problème : 80 000 témoignages déposés sous le mot-clé #MetooInceste, émergence de plusieurs études auparavant inaudibles. Parmi elles, celle de l’anthropologue Dorothée Dussy, Le Berceau des dominations : elle y démontre que l’inceste se révèle structurant de l’ordre social, l’outil premier de formation à l’exploitation et à la domination de genre et de classe.
Mais si l’inceste est le berceau des dominations, l’éradiquer sera un levier fondamental d’émancipation. Profitons de la brèche ouverte dans le mur du silence et jouons notre partition, à l’intersection de nos métiers et du syndicalisme que nous portons.
Les mobilisations pour les libertés, contre les violences policières, pour les droits des femmes autour du 8 mars, celle de la jeunesse le 16, pour le climat les 19 et 20, sont d’autres terrains à continuer d’investir. Prochaine étape : le 6 avril pour les Services publics. Contre la montée des idées d’extrême droite, contre le sentiment de résignation, renforçons notre camp social en construisant et en imposant un autre « après » ! ●

Marie Haye