Le gouvernement et les pauvres, ou l’anti-Robin des bois

De nombreuses mesures prises au cours des derniers mois révèlent (ou confirment pour les plus lucides d’entre nous) le mépris de ce gouvernement à l’égard des populations défavorisées. Difficile de nier la « guerre » des classes quand inlassablement, année après année, le pouvoir donne aux plus riches et prend aux pauvres ! Et pour enrober un peu cette pilule amère, les mesures s’accompagnent de déclarations médiatiques contribuant à stigmatiser ces populations, sur fond de philosophie du mérite. En gros, il suffirait de vouloir pour pouvoir, et les chômeurs ne seraient donc que des profiteurs, les bénéficiaires de prestations sociales seraient des fraudeurs, les sans-papiers des clandestins criminels, et pourquoi la société devrait-elle aider tous ces « parasites » ? Ces discours sont révoltants !!!

Les conséquences de la crise (et de la gestion calamiteuse qui en a été faite) sont très lourdes pour bon nombre de personnes. Les chiffres du chômage ont connu en juin un bond impressionnant, et on ne peut que constater l’aggravation du chômage des jeunes, des plus de 50 ans, et des chômeuses et chômeurs de longue durée. La crise du logement s’est aggravée elle aussi, le nombre d’expulsions a augmenté, les loyers dans le parc privé sont devenus inaccessibles aux ménages modestes. C’est ce que dénonce le collectif « Urgence, un toit ! », qui a notamment organisé des manifestations le samedi 3 septembre. Autres coupes sombres : dans les crédits alloués à l’hébergement d’urgence. Dans une lettre ouverte au président, la Coordination nationale des professionnels de l’urgence sociale déclare : « Vous condamnez tout simplement, en dépit de la loi, des milliers de femmes, d’hommes et d’enfants à l’errance, l’insécurité de chaque nuit, l’épuisement et la désocialisation. » Ce type d’hébergement ne doit pas être opposé au logement social, on a besoin des deux ! Le Secours Populaire nous alerte aussi : « Il y a un nombre encore plus grand de gosses qui ne sont pas partis en vacances cet été » selon Julien Lauprêtre, son président. Plus globalement, il se déclare « effrayé par cette misère qui gagne du terrain », et très inquiet de la disparition programmée de l’aide européenne aux plus démunis (PEAD). Ce ne sont pas seulement les vacances qui coûtent cher : Familles de France dénonce la hausse de 6,8 % du coût de la rentrée scolaire.

Les injustices sociales sont de plus en plus flagrantes. Et que fait le gouvernement ? Il répond par la création d’un fichier unique des allocataires sociaux, censé « renforcer la lutte contre des fraudes sociales ». Alors que sur les 20 milliards de fraude par an, seulement 2 à 3 sont imputables à la fraude aux prestations, tandis que 8 à 15 milliards relèvent de la fraude aux cotisations sociales des entreprises ! Laurent Wauquiez dénonce les « dérives de l’assistanat, cancer de la société française ». Une partie de l’UMP veut même remettre en cause le RSA. Nous ne pouvons que nous opposer à cette stigmatisation qui vise à casser les solidarités collectives !

Mais parallèlement, les patrons les mieux rémunérés de France touchent entre 200 et 350 années de Smic par an. Et encore, sans tenir compte de tous leurs avantages. Une étude de l’INSEE parue au printemps le montre : les inégalités se creusent à cause de l’enrichissement des plus riches ! C’est sans doute ce qui permet à Nicolas Sarkozy de dire que le pouvoir d’achat (moyen) n’a pas diminué ! Mais nous devons être nombreux à nous situer sous la moyenne… Et malgré cela, malgré la crise qui rend plus que jamais nécessaires les mesures en faveur de ceux qui en ont le plus besoin, le gouvernement continue à dispenser aux plus riches ses largesses, qui se chiffrent en milliards, par le biais des niches fiscales et de la réforme de l’ISF, sans compter les cadeaux aux entreprises. Depuis 2000 on s’est privé ainsi de 125 milliards d’euros de recettes pour l’état ! Bien sûr, pour masquer un peu le phénomène, on fait mine aujourd’hui de mettre les riches à contribution. D’ailleurs, ils le revendiquent eux-mêmes, dans un bel élan d’hypocrisie ! Mais il ne faut pas exagérer, ils veulent bien faire un effort, mais limité et à titre exceptionnel. Pas question de revenir sur les cadeaux fiscaux, par exemple. Alors on nous annonce que les riches vont être taxés… ce qui va rapporter 200 millions, sur les 11 milliards d’économie visés ! Devinez qui va supporter le reste ? Les taxes qui frappent tout le monde, sans conditions de revenus, sont la solution la plus inégalitaire, la plus injuste ! Est prévue également une hausse déguisée de la CSG qui rapportera 550 millions d’euros d’économies, sur le dos des salarié-e-s. La taxation des contrats de complémentaire santé responsables et solidaires compromettra l’accès aux soins pour tous et la maitrise des dépenses de santé. D’ailleurs J-F Copé l’annonce clairement : « Nous avons déjà réformé les retraites, il faut maintenant faire la réforme de la dépendance et celle de l’Assurance-maladie. » Toujours cette même société à deux vitesses qu’on veut nous faire avaler…

Mêmes logiques en Angleterre, où les gouvernements successifs ont réduit les budgets sociaux et renforcé les inégalités, sur fond de chômage massif. L’absence de perspectives génère la frustration et le sentiment d’injustice nourrit la colère. Mais on s’applique à traiter ces émeutes, ces soulèvements de « criminels ». Et la spéculation, elle ne l’est pas, criminelle ? Qui sont les véritables pilleurs des biens collectifs ? Là encore, je vous invite à deviner quels sont ceux qui ont été punis, et bien sévèrement…

En conclusion, je laisserai la parole à l’association ATD Quart Monde :
« Nous ne voulons pas d’une société qui, à l’instar de ce que prônent certains responsables politiques actuellement, accentue le contrôle des plus pauvres en les faisant passer globalement pour responsables de leur situation, profiteurs des aides sociales et générateurs d’insécurité. Nous refusons que l’opinion publique, ainsi abusée, en arrive à faire I’amalgame entre pauvreté et délinquance et laisse s’installer des politiques de plus en plus sécuritaires qui, de fait, portent atteinte aux libertés de tous. »

Cécile Ropiteaux

[**Quelle école pour quelle société ?*]

→ Les 11, 12 et 13 novembre 2011, ATD Quart Monde et un comité inter-institutionnel composé de syndicats d’enseignants (dont le SNUipp et le SNES, pour la FSU), de fédérations de parents d’élèves et de courants pédagogiques rassemblent à Lyon tous les acteurs de l’école, afin qu’ensemble ils soutiennent des propositions politiques et des engagements visant à changer l’école de manière significative et durable, pour la faire évoluer vers l’école de tous. Le but de ces « Ateliers pour l’école » est de constituer une plate-forme citoyenne qui puisse mener ce combat dès l’année 2012.
Si vous êtes intéressé-e pour participer à ces ateliers (sur les trois jours ou la seule journée du samedi), prendre contact avec la section départementale : fsu21@free.fr