La réforme des rythmes scolaires, c’est maintenant !

Lancé il y a 2 ans par Luc Chatel puis suspendu, le débat sur les rythmes scolaires
devrait rapidement rebondir sur ce terrain préparé mais miné. Il faut donc continuer
à débattre des enjeux,
des indispensables améliorations,
des reculs inacceptables
et de la façon de peser sur les décisions.


Il y a 2 ans, Luc Chatel relançait le débat sur les rythmes scolaires. Les discussions ont bien eu lieu dans les instances officielles, ont enflammé les salles de profs, les repas de familles et les comptoirs de café. Suite à quoi le Ministre a décidé de… suspendre le dossier ! Mais le terrain est préparé et, bien qu’il soit miné, aucun candidat à la présidentielle n’a écarté l’idée de réformer les rythmes scolaires. Alors continuons à débattre des enjeux, des indispensables améliorations, des reculs que nous n’accepterons pas, et de la façon dont nous pourrons peser sur les décisions.

Réformer les rythmes scolaires, c’est modifier les conditions d’apprentissage des élèves et d’exercice du métier d’enseignant. L’impact est fort aussi sur l’organisation des parents, employeurs, restaurations scolaires, dispositifs péri et extra scolaires, associations sportives et culturelles, transports scolaires, congrégations religieuses, tourisme… Rien d’étonnant donc que les débats soient tendus. Y compris au sein des salles des profs, où l’on porte plusieurs casquettes, celle d’enseignant et de parent.

Le temps touche à la fois à la sphère professionnelle et privée. Il est convoité : chacun cherche à (a)ménager son temps pour profiter de son entourage et/ou jouir de ses loisirs, désire partir en vacances… Cela explique sans doute en partie que le temps soit envié et culpabilisé : qui n’a pas entendu dire que « les profs ne travaillent que 18h » et « les enseignants ont trop de vacances », au détriment de l’intérêt des élèves et de l’efficacité du système public d’éducation ? Des propos violents, car ils nient la complexité de notre métier (préparations, corrections, concertations, formations…). Propos inquiétants car ils balayent la mémoire des avancées sociales sur le temps de travail et hypothèquent l’idée que nous avons tous encore à gagner (mieux répartir le travail et les gains de la productivité pour travailler moins et gagner plus). Propos difficiles à entendre dans un contexte où la charge de travail s’est accrue à contre sens du métier (charge administrative s’éloignant de l’intérêt des élèves), sans aucune compensation. Coupons court à ces discours qui nous divisent : le rapport au temps n’est pas une « simple » question corporatiste. Réformer les rythmes scolaires doit permettre de concilier tous les enjeux et des solutions existent.

Réduire la journée de classe et les vacances d’été ?

Cette approche centrée sur le « quantitatif » est un marché de dupe. Les élèves ne souffrent pas d’une journée trop longue mais trop dense et stressante. Car la politique éducative française confond exigence et pression. Les programmes laissent peu de place aux activités de découverte, les évaluations omni-présentes érigent un modèle de concurrence qui souvent abîme l’estime de soi, les trajets scolaires sont longs là où les écoles de proximité ont été fermées au profit de regroupements plus rentables, les devoirs à la maison sont souvent une difficulté plutôt qu’une aide, le marché du travail est tendu et les non diplômés le vivier du chômage et des emplois précaires… Le mauvais rythme scolaire français, la fatigue et le stress de nos élèves, c’est la somme de tout cela et raccourcir la journée d’une heure ne réglerait rien.

L’Ecole doit être un véritable lieu de vie, chaque enfant doit trouver sa place en conciliant son rythme individuel avec le rythme collectif. Les programmes et les effectifs doivent permettre d’alterner apprentissages en classe et en petits groupes, les locaux doivent être moins bruyants, les temps de « respiration » plus fréquents et adaptés à l’âge. Réduire les vacances d’été, avec la mise en place d’un zonage, ne répondrait pas non plus à ces besoins. Cela aurait certes un impact, plus sur le tourisme, que sur nos élèves. C’est aussi le temps de travail des enseignants qui est visé, et avec lui notre statut. Le premier levier de la dérèglementation est la fluctuation du temps de travail (heures sup, flexibilité expérimentée dans les ECLAIR) et de la rémunération (primes). Le deuxième est l’évolution de nos missions : la « personnalisation des parcours » est renvoyée à l’enseignant, qui doit assurer seul l’aide individuelle (suppression des RASED et mise en place de l’Aide Personnalisée en primaire, du tutorat au secondaire), le dépistage des troubles (réduction des effectifs de la santé scolaire), des tâches d’orientation (réduction des co-psy…)… Un véritable non sens !

Notre temps de travail doit au contraire être pensé pour développer le travail en équipe, la formation continue, la concertation avec les partenaires… et doit être reconnu ! C’est possible, avec, en primaire, la déconnexion du temps élèves / enseignants et « plus de maîtres que de classes », et, à tous les niveaux, la création de postes.

Anne Dumas