Évaluation des enseignants : la nouvelle école capitaliste en marche…

Le projet de décret sur l’évaluation des personnels enseignants, d’éducation et d’orientation sorti le 10 novembre a fait l’effet d’une bombe.

C’est l’aboutissement d’une volonté de transformation profonde du système éducatif (cf. dossier dans ce numéro), via la gestion des ses personnels.

Dans le cadre du « new public managment » les enseignants sont désormais soumis au mode d’évaluation déjà expérimenté dans le reste de la Fonction publique.

Désormais, tous les 3 ans, les enseignants seront évalués, après entretien, par leur supérieur hiérarchique sur leurs « résultats ». Le projet stipule qu’« il s’agit notamment pour l’agent d’évaluer sa capacité à faire progresser :

  1. chaque élève,
  2. les compétences dans sa discipline ou ses domaines d’apprentissage,
  3. sa pratique professionnelle dans l’action collective de l’école ou de l’établissement,
  4. la qualité du cadre de travail afin qu’il soit propice aux apprentissages et au partage des valeurs de la République. ».

**Mise en concurrence

Le supérieur a dès lors la possibilité d’accélérer l’avancement de carrière de l’agent tous les 3 ans, ceux qui n’ont pas donné satisfaction resteront à l’ancienneté.

Le ralentissement global de carrière que ce projet induit (campagne de notation triennales et non plus annuelle) permettra de substantielles économies budgétaires sur les salaires des enseignants.

[(Surtout, ce projet se propose d’identifier la « valeur ajoutée » que peut représenter l’enseignant vis-à-vis de la réussite de ses élèves, sur des critères statistiques…

Le premier effet sera une baisse d’ambition et l’organisation d’un bachotage généralisé.

***Les aspects pervers sont prévisibles :

– augmentation des tensions quant à la prise en charge des élèves « difficiles »,

– évitement exacerbé des écoles « difficiles »,

– tension entre collègues sur la responsabilité du niveau d’une classe ou de certains élèves.)]

**Caporalisation

Le chef d’établissement et l’IEN auront donc tout pouvoir sur les carrières, et par voie de conséquence sur l’organisation du travail dans les établissements.

N’oublions pas que le cœur de la « nouvelle école capitaliste » c’est l’autonomie de l’établissement. Le second degré est très avancé sur ce terrain, et la mise en place des EPLE dans le premier degré parachèverait le dispositif.

Mais il n’y a de bonne caporalisation que celle qui donne le pouvoir à des incompétents : ce sera en particulier le cas dans le secondaire où les chefs d’établissement sont par définitions incompétents pour évaluer le volet pédagogique du service de l’enseignant, c’est à dire l’essentiel de sa mission !

Tout portera donc sur le service en dehors de la classe, notamment l’inscription dans le projet d’établissement, lequel est défini… par le chef.

Pour les profs désormais peut importe le savoir faire, l’important sera le faire savoir, la boite de cirage tiendra lieu de formation continue.

[*Cette contre-réforme contribuera à désagréger l’ensemble du système scolaire si nous ne stoppons pas très vite le ministère.*]

Marie Cécile Perillat