Décret Peillon, une faute politique du SNES

Le « dialogue social » a été accaparé, des semaines durant, par les chantiers Métier : les projets de décret ont suscité la méfiance, voire la colère de la profession, ils ont donné lieu à des divergences intersyndicales virulentes, et provoqué une polémique importante au sein du SNES.

La crise engendrée est loin d’être résolue.

Le SNES a accueilli Peillon avec bienveillance, et le « changement de ton » qu’il a vanté lui a valu de s’enfoncer dangereusement dans le piège du dialogue social. Il souscrit à la volonté du ministre de « rénover » un statut qu’il jugeait obsolète.

D’autres ministres de droite l’avaient tenté et avaient essuyé un refus résolu. Mais en 2013, le SNES peaufine son argumentation en relevant tout ce qui n’est plus adapté, dans le décret, à la situation : c’est une entrée en discussion pour le moins contestable.

Il joue alors le jeu du gouvernement qui, au nom de ce « bon sens », s’apprête à « bazarder » nombre d’acquis et de droits sociaux, hérités du CNR (« vieille chose » également !), sous prétexte de modernisation de l’État.

**Immobilisme ? Statu quo ?

Le SNES ne veut plus être taxé de freiner les réformes. Mais en acceptant de discuter le statut, il est sur un terrain glissant : ce dont souffrent le plus les collègues, c’est la précarité et les pressions managériales.

Le statut est un rempart contre ces deux écueils, imparfait peut-être, mais réel au point qu’il nous est envié y compris au sein des autres fonctions publiques. S’attaquer à ce « monument » nécessite donc de gagner, en face, de réelles améliorations.

Et d’avancées, il n’en est pas question (voir encadré). Pire, la discussion sur le statut, déconnectée du cœur du métier et du sens des missions, ne peut pas déboucher sur une revalorisation. Le découpage en trois types de « missions » – enseignement, missions liées et complémentaires témoigne bien de la vision technocratique du métier.

Et la place accordée à l’indemnitaire (rappelons que l’indemnité est fragile, soumise à l’arbitraire, qu’elle individualise la rémunération, voire exacerbe la concurrence entre collègues) est contraire à l’aspect protecteur, collectif et garant d’indépendance du statut.

**Négocier ? Comment,
pourquoi et avec qui ?

Si le SNES a négocié ce décret dans l’intérêt de la profession, pourquoi les collègues ne l’ont-ils pas suivi ?

Il faut dire que personne ne croit aux vertus de la négociation « à froid » et que les discussions de couloirs, surtout avec un gouvernement de « gauche », s’apparentent bien souvent à une cogestion qui va rarement – jamais – dans le sens des salariés.

Il faut aussi se demander quel est l’intérêt, le « gain » du gouvernement à négocier un nouveau statut, dans le contexte d’austérité que nous subissons : la profession n’est pas dupe, elle sait que, faute de rapport de forces favorable, la décision ne penchera pas en sa faveur.

C’est une erreur d’analyse de la nature de ce gouvernement, aux orientations profondément libérales, que d’avoir pu le croire. Le SNES devra donc infléchir sa posture face au nouveau ministre pour espérer déjouer la défiance avant les élections professionnelles. ●

Véronique Ponvert

et Nolwenn Pontoizeau

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Un décret de dupes !

Le décret ne propose quasiment aucune amélioration des conditions de travail pour toute la profession, hormis celle qui s’oppose à la bivalence (encore faut-il attendre les circulaires d’application pour être certains que les TZR font partie de cette mesure) et celle qui supprime la majoration de service pour les effectifs réduits (mais son pendant – la minoration pour effectif pléthorique – a disparu aussi).

Aucune diminution du temps de travail pour toutes et tous, aucune hausse de salaire ne sont à l’ordre du jour.

Ce que certains considèrent comme des avancées ne s’adresse donc qu’à un nombre réduit d’enseignants : la pondération des heures d’enseignement en Éducation prioritaire ne va actuellement toucher que 102 établissements classés Rep +, autant dire une goutte d’eau à l’échelle de tous les établissements classés en EP.

Les pondérations en lycée vont concerner davantage de collègues mais seront moindres par rapport à l’heure de première chaire, les heures de labo disparaissent au profit de l’indemnitaire.

Enfin, même si des décharges seront accordées, les compléments de services seront désormais reconnus et institutionnalisés sur trois établissements…

Le collège est le grand oublié. Ainsi, un enseignant d’un collège non répertorié Rep + travaillera toujours autant, dans des classes sans doute plus chargées et verra son salaire diminuer un peu plus chaque année au mois de janvier.)]