Cachez cette jeunesse, que je ne veux pas voir …

« Les rapports sexuels chez les jeunes commencent de plus en plus tôt :
ils sortent ensemble pendant quelques mois et se laisse dépasser par leur désir en s’adonnant à cette liberté sexuelle. Certaines le font et se sentent coupables, se sentent sales, hélas !
le mal est fait et cela est irrécupérable et si, en plus les rapports ne sont pas protégés ! »(1)

Il existe très peu de travaux spécifiques sur la sexualité des jeunes. « Il fallut attendre 1972 pour qu’une semblable enquête se penche sur la sexualité́ en France et encore deux dé́cennies pour que la sexualité des jeunes soit spé́cifiquement étudiée par les sociologues »(2) . Si depuis maintenant près de quarante ans, (la circulaire Fontanet de juillet 1973 sur l’information et l’éducation sexuelle étant la première), l’école se préoccupe de la sexualité des jeunes, c’est toujours après des luttes associatives, voire syndicales, que des textes règlementaires ont émergé. Même dans une société hypersexualisée, elle intéresse peu, ou fait peur, sauf en définitive pour les intégristes qui, lors du débat sur les manuels de SVT ou à travers des blogs, diabolisent la sexualité et ont bien compris l’intérêt que peuvent avoir aujourd’hui des campagnes offensives sur cette question : quelle société et quelles sexualités pour demain ?

Fantasmée par les adultes

Un fouillis médiatique et racoleur comble le manque d’intérêt collectif sur cette question. A travers des documentaires non scientifiques, d’articles qui, de cas individuels, font des généralités, la société fait perdurer dans l’imaginaire collectif que la sexualité des jeunes serait un problème. Contrairement à la sexualité des ainé-es qui fait l’objet de toutes les convoitises, elle ne cesse d’être noircie : « il existe une représentation catastrophiste du comportement des jeunes, présentés comme un groupe en danger moral et sanitaire. »(3)
« Ainsi, depuis quarante ans, qui invite-t-on sur un plateau de télévision pour parler des jeunes ? Des psychiatres, des psychanalystes, des psychologues. Qui invite-t-on pour parler de la sexualité ? Des psychiatres, des psychanalystes, des psychologues. »(4)

Une sexualité raisonnée ?

L’âge médian du premier rapport sexuel n’a pas diminué de manière flagrante et alarmante depuis la dernière enquête CSF de 1992 et Michel Bozon(5) souligne une utilisation majoritaire du préservatif lors du premier rapport. La nouvelle disponibilité de la pornographie peut à juste titre créer une inquiétude sur les rapports de genre dans la sexualité et l’enjeu aujourd’hui est bien, non pas d’interdire, mais d’apprendre et d’échanger sur le quotidien hypersexualisé qui est celui de la jeunesse actuelle. Par exemple, c’est ainsi que des élèves de lycée professionnel répondent quand on échange avec elles et eux sur la place de la pornographie : « On ne dit pas que c’est mal ou bien mais il faut être vigilant et conscient de tout ce que le porno véhicule. L’acte sexuel est violent, les corps des femmes et des hommes ne correspondent pas à̀ la réalité.»

Positive et non sexiste

L’enjeu reste donc toujours celui de l’éducation à la sexualité, de l’éducation à l’image, de campagnes non plus alarmistes (même si une campagne sur la prévention des MST et IST est plus que nécessaire) mais ouvertes sur les réponses que recherchent les jeunes. La systématisation des séances d’éducation à la sexualité dans les établissements scolaires et une campagne politique offensive seraient l’occasion de pouvoir échanger avec cette jeunesse dont on imagine le vécu plus qu’on ne le connait.
« Il faut apprendre ensemble à̀ avoir une relation sexuelle, dépasser sa peur pour se sentir bien ensemble, é́changer… Finalement, vivre sa sexualité́ et son plaisir, c’est comme le vé́lo, ça s’apprend… »

Ingrid Darroman

Pour aller plus loin : « Jeunesse et sexualité : expériences, espaces, représentations », Agora – Débats / Jeunesses, n° 60, 2012

1) Extrait d’un article sur www.pasteurweb.fr/fc/
sur les jeunes et la sexualité par Yvonne Guyot

2) Blanchard, Véronique et al., « Introduction »,
in Véronique Blanchard, et al., Les jeunes et la sexualité Autrement « Mutations », 2010 p. 12-19.

3) Michel Bozon « Pornographie : en France, la jeunesse paraît assez sage »
Propos recueillis par Frédéric Joignot (Le Monde)

4) Blanchard, Véronique

5) « Enquête sur la sexualité en France, pratiques, genre et santé » sous la direction de Nathalie Bajos et Michel Bozon Editions La découverte INSERM, INED, ANRS