Stage de l’ÉÉ : 10-11/01/2017 – Le lycée unique : une révolution pédagogique et politique

La revendication d’un lycée unique portée par l’EE, avance au sein du SNES-FSU, mais reste un clivage. Ce mandat historique est pourtant plus que jamais d’actualité, quand il est question de réformer le lycée dans la suite du collège, ou quand des lycées sortent de l’éducation prioritaire. Pour alimenter notre réflexion, nous avons, dans le cadre de notre stage annuel EE-SNES, sollicité Tristan Poullaouec : maître de conférences à l’Université de Nantes, membre du Centre Nantais de Sociologie (CENS) et du Groupe de Recherches sur la Démocratisation Scolaire (GRDS), ses recherches portent sur le devenir scolaire et professionnel des enfants des familles populaires [[Dans Le Diplôme, arme des faibles (éditions La Dispute, avril 2010), il retrace l’histoire de la conversion des familles ouvrières aux études longues, des années 1960 à aujourd’hui, étudie les parcours de leurs enfants et l’impact professionnel de leurs diplômes, pour tordre le cou aux théories de l’inflation scolaire, invitant à rejeter toute crainte de la démocratisation de l’école.]]

Ce que défend le GRDS

Le GRDS propose une « école commune », avec un tronc commun de 3 à 18 ans, qui passe par un vaste réexamen des procédures d’apprentissage, des contenus d’enseignement, et de la formation des enseignant-es [[GRDS, L’Ecole commune, Propositions pour une refondation du système éducatif, éditions La Dispute, 2012.]], pour l’éradication de la concurrence entre élèves dans un objectif de transformation sociale. Dans ce cadre un lycée commun est nécessaire. Cette perspective est la plus susceptible de s’opposer efficacement à celle de « l’école du socle », à condition de la penser dans le cadre d’une école commune radicalement plus efficace dans la transmission des savoirs et ce dès la petite enfance. Beaucoup expriment la nécessité d’une sortie rapide du système scolaire des élèves « en difficulté », pourtant la grande majorité des familles populaires aspirent aujourd’hui à un diplôme de l’enseignement supérieur pour leurs enfants. Ainsi un tronc commun au lycée pour tous les élèves est à construire : un baccalauréat de culture générale et technologique. Personne ne doit être exclu de l’étude des grandes œuvres de l’humanité, pour construire collectivement un autre avenir !

Quelles différences avec les réformes récentes et en germe ?

80 % des élèves sont toujours scolarisés à l’âge de 18 ans. Dès lors, la prolongation de la scolarité, obligatoire jusque là, apparaît juste et réaliste. Cependant, cette idée, à gauche, est rarement portée avec la volonté de refondre les trois voies du lycée (générale, technologique et professionnelle) et d’en finir avec l’orientation des élèves en fonction de leur origine sociale et / ou de leur genre. Au contraire, dans la réforme de 2010 et dans les projets de réformes dont il est question dans le débat pré-électoral, la volonté d’atténuer la hiérarchie des filières n’est que de façade : il s’agit toujours d’individualiser, de promouvoir l’apprentissage, et de développer l’enseignement des compétences contre les savoirs [[Ces idées sont si ancrées et si peu interrogées, y compris dans le camp qui se réclame d’un certain progressisme de gauche, que même la FCPE, dans un communiqué de soutien à la lutte pour le maintien des lycées en éducation prioritaire, les reprend à son compte : « pédagogies différenciées, renforcement de l’accompagnement personnalisé, tutorat, éducation à l’orientation », ou encore « développement de l’interdisciplinarité et de l’approche par compétence, construction du bac-3, bac +3… ».]], en guise de soumission aux logiques patronales de l’employabilité, de la sélection, tout en ayant l’air d’offrir des perspectives aux élèves issu- es des milieux populaires.

Pour l’EE, le chantier du lycée unique est enthousiasmant car il est pédagogique et politique.

Pour l’EE, il s’agit de construire l’avenir scolaire de chacun-e des élèves et d’élever la jeunesse qui construira la société de demain. Les mobilisations sociales, comme celle contre la loi Travail, rappellent d’ailleurs l’absolue nécessité de former des citoyennes et des citoyens éclairé- es et émancipé-es, doté-es d’un esprit critique. Dans ce cadre, le lycée commun, pour reprendre l’appellation du GRDS, est l’un des leviers de la démocratisation scolaire, contre une école trop souvent au bénéfice des « héritiers » de la culture ou de la richesse de leur milieu. Les débats que nous avons eus lors du stage du 10 janvier ont soulevé des questions :
  • quels contenus généraux, technologiques et professionnels, faudra-t-il travailler avec tous les élèves ?
  • quels outils et cadres de remédiation faut-il concevoir, sans filières et sans paliers d’orientation et quand doit se faire le début de la spécialisation, en terminale ?
  • comment repenser l’évaluation, pour la formation, contre la sélection ?
  • comment intégrer dans les contenus de formation initiale et continue des enseignant-es, l’histoire et l’épistémologie des savoirs scolaires, la compréhension des conditions et processus d’apprentissage, la conduite de la classe, la connaissance de l’institution scolaire, etc ?
  • comment en finir avec l’école privée, la concurrence entre établissements, les inégalités entre territoires ? Tout est à penser et à repenser, de l’enseignement primaire à l’université, mais l’idéal démocratique que représente l’horizon d’un lycée commun est un puissant levier de transformation sociale. C’est le pari pédagogique et politique que soutient l’EE, et qu’elle continuera à faire vivre dans le SNES et la FSU.

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