Cécile Ropiteaux : Accueil des migrant-es, racisme versus solidarité

Le démantèlement et les expulsions des camps de Calais et de Stalingrad à Paris ont fait l’objet d’une communication gouvernementale les présentant comme une opération humanitaire. La réalité révèle l’hypocrisie de ce discours : bulldozers et pelleteuses, forces de l’ordre en nombre, destruction des affaires personnelles des migrant-es, files d’attente et scènes de tri d’un autre âge… Les migrant-es ont été dispersés, certain-es ont même été expulsés discrètement au petit matin, et le sort des autres reste précaire, incertain et soumis à l’arbitraire. Parmi eux, plus de 1600 jeunes, mineur-es isolés, ont été emmenés, souvent en violation de toutes les règles concernant la protection de l’enfance. Et alors même que certain-es s’apprêtaient à rejoindre leur famille en Angleterre, en toute légalité… Les associations dénoncent de nombreux cas de discrimination et d’abus de pouvoir, l’absence de traducteurs, bref des exemples flagrants de non-respect des droits humains.

L’accueil des migrant-es fait l’objet de polémiques, particulièrement depuis l’annonce de leur répartition dans les régions françaises. Une partie de la droite et l’extrême droite y voient l’occasion d’affirmer de nouveau leur rejet des étranger-es, qu’ils présentent comme dangereux et qu’ils qualifient « d’envahisseurs ». Certain-es élu-es tentent de faire adhérer leur collectivité à la charte « ma commune sans migrants ». Des locaux destinés à devenir centres d’accueil sont incendiés. Des manifestations hostiles sont organisées, provoquant des contre-manifestations qui rassemblent heureusement davantage de monde, des rassemblements qui parfois se font face dans une tension palpable… Si des affrontements ne se sont pas produits, pour le moment du moins, des agressions en marge de ces manifestations ont déjà eu lieu, comme celle d’un jeune militant communiste à Bourges, frappé par des participants au rassemblement FN. Peut-être parce qu’il s’appelle Abdelrrahman…

A l’inverse, un nombre important de nos concitoyen-nes fait preuve d’humanisme et de solidarité, se rappelant ce que les migrant-es ont fui et combien ils/elles ont souffert. Des élu-es s’expriment, dénonçant le repli sur soi et la récupération politique, et rappellent nos traditions d’accueil ; certain-es invitent à des réunions d’information pour combattre les préjugés. Des manifestations de soutien, des réceptions de bienvenue sont organisées. Et c’est aussi la solidarité concrète qui se met en place : dons et collectes fleurissent un peu partout, meubles, vêtements, nourriture et repas, cagnottes, mais aussi offres d’emplois, de cours de français, de partage de loisirs… Nos militant-es ne sont pas en reste, nombreux sont celles et ceux qui participent au RESF et aux collectifs locaux de solidarité. Dernièrement encore des écoles ont été occupées pour empêcher l’expulsion de familles.

L’actualité met en avant ces migrant-es qu’on déplace, qu’on trie, qu’on « traite » administrativement, et puis qu’on jette… Marion Maréchal Le Pen parle même de « poussière qu’on éparpille », déshumanisant ainsi les migrant-es avec un mépris manifeste ! Au-delà des discours extrémistes, le message latent est que l’accueil serait forcément temporaire. Pourtant, des migrant-es vont choisir de reconstruire leur vie ici, avec ou sans papiers parfois.

Il faut mettre l’accent sur la responsabilité des pays d’accueil en terme d’intégration, et dénoncer ce que la France offre réellement aux immigré-es, racisme systémique, discriminations quotidiennes, comme ces contrôles au faciès pour lesquels l’État vient d’être condamné par la Cour de cassation. Il nous faut revendiquer haut et fort que les immigré-es soient considérés comme des citoyen-nes à part entière. Allier les actions humanitaires et les actions politiques, organisation de conférences-débats, diffusion d’argumentaires, manifestations de rue, dans un cadre unitaire large. Œuvrer contre l’extrême droite et ses idées, où qu’elles se trouvent. Améliorer la visibilité de ce que nos militant-es font, et impulser d’autres actions, des campagnes nationales d’ampleur. Pour que toutes les actions locales fassent sens, pour la solidarité contre la logique du bouc émissaire, l’exclusion et la haine.