Laurent Cadreils : évaluation des enseignants

Le ministère veut aller très vite sur le dossier de l’évaluation professionnelle des enseignants qui va largement au-delà de la seule évaluation.

En effet, le ministère ne voulant pas d’une carrière linéaire déconnectée de la « valeur professionnelle », les carrières enseignantes, suite à PPCR, seront rythmées de moments clés créant des différences de salaire d’un-e enseignant-e à l’autre.

La ministre communique clairement sur une carrière au mérite : « il y aura une meilleure reconnaissance de l’engagement de ceux qui s’engagent le plus, tout simplement ».

Ceci s’oppose très fortement à la revendication syndicale de déconnexion de l’évaluation de la carrière. Conception, en tout cas dans le premier degré confirmé largement par l’enquête réalisée par le SNUipp. Ceci ne répond pas non plus à la revendication de mêmes carrières pour toutes et tous.

4 points font désaccords :

  • 70% pas assez méritants
  • L’absence de garantie réelle d’une carrière sur 2 grades
  • Le 3ème grade renforçant le management
  • Le Bilan professionnel et une inspection éloignée du cœur du métier

Le Ministère avait prévu que l’inspection actuelle soit remplacée par un rendez-vous de carrière avec un bilan professionnel avant l’inspection.
Notons que personne ne regrettera l’évaluation actuelle, qui aujourd’hui mélange supérieur hiérarchique direct, accompagnateur et évaluateur. Bien loin d’une conception formative qui pourrait être construite entre pairs, construite de façon collective.

L’opposition très forte de la FSU appuyée sur les résultats sans appel de l’enquête du SNUipp rejettant le bilan professionnel ont entrainé des premiers bougés. Le bilan serait remplacé par un « guide pour l’entretien » sans rédaction et envoi préalable. C’est un premier pas qui ne peut suffire, il est maintenant nécessaire que ce guide d’entretien soit centré sur le métier.

Pour la classe normale, le seul fait de choisir 30% d’élu-es pour aller plus vite est inacceptable. Ce choix serait dans les mains plus ou moins du supérieur hiérarchique direct.

Il n’y aurait plus le filtre d’un possible barème, Il n’y aura donc aucune garantie d’un contrôle transparent en CAP pour des accélérations décidées sur la seule base d’un double compte rendu dans le second degré ou d’un seul dans le premier degré.

Un des éléments clés : la garantie d’une carrière sur au moins 2 grades n’est pour l’instant pas assuré. Pour cela un slogan ne suffit pas. Il faut s’en donner les moyens et ce n’est pas le cas pour l’instant…

Le 3e rendez-vous de carrière, placé lors de la 2e année du 9e échelon, débouchera également sur une appréciation finale. Elle sera ensuite convertie en points qui rentreront dans un barème comportant comme seul autre critère l’ancienneté dans la planche d’appel.
Ces seuls éléments de barème ne garantissent en aucun cas à un-e enseignant-e au 11e échelon d’être promu à la hors classe. Il faudrait a minima y ajouter un élément de barème très important pour le 11e voire une clause d’automaticité.

De plus dans le premier degré par exemple, sans modification, le flux d’entrants serait donc supérieur au flux de sortants via la hors-classe. De nombreux collègues, notamment les anciens instits, seraient donc contraints de partir en retraite sans atteindre la hors-classe en cas de 3e rendez-vous de carrière insuffisant.

Le troisième grade, la classe exceptionnelle, serait réservé à une petite élite, 10% du corps et seulement 2% pour l’échelon spécial. C’est ce seul échelon qui déboucherait sur une réelle et conséquente revalorisation salariale.

Ce grade constitue un outil managérial fort qui conduira à des carrières différentes selon les parcours professionnels. Il renforcerait considérablement les écarts de rémunération et entrainerait des parcours de carrière avec une forte partie de fonctionnel.
La FSU doit y être fortement opposé en exigeant à l’inverse l’intégration et l’accessibilité de ces points d’indice en échelons accessibles par toutes et tous.

Au final, ce que nous cherchons à voir c’est est ce que cette réforme limite ou accroit les écarts :

Actuellement, la différence de carrière théorique entre la carrière d’un-e enseignant-e toujours promu-e au grand choix et celle d’un-e collègue toujours promu-e à l’ancienneté au bout de 39 ans de carrière une fois atteint le 7ème échelon de la hors classe est de 30 792 €.
Avec ces carrières, au bout de 37 ans, celui ou celle qui aura eu la carrière la plus rapide et la plus avancée (au sein des fameux 2%) touchera 6 897 € de plus par an que celui ou celle qui aura une carrière plus lente et s’arrêtera à la fin de la hors-classe. Cela fera un différentiel de salaire cumulé de 110 439 €.

Sans le 3ème grade, l’écart est alors de 14950€ entre un collègue allant vite et un autre doucement.

110 000 euros pour la fin à la classe exceptionnelle, 15 000 euros pour la fin au 7ème de la Hors Classe entre une carrière rapide et lente.
Cette réforme, si elle supprime la note vécue comme infantilisante, ne sera clairement pas un progrès. Elle renforcera le management et la place du/de la supérieur-e hiérarchique, réduira le paritarisme et ne fera que translater vers la fin de carrière des inégalités de salaires. Avec la classe exceptionnelle, pour 2% du corps elles seront encore accrues.

C’est donc l’inverse de notre conception d’une évaluation professionnelle déconnectée des carrières. C’est l’inverse de carrières plus homogènes.