Retraites. Les territoriaux au créneau.

Joachim Coqblin a 37 ans. Technicien informatique à la mairie de Villejuif, adhérent de la CGT communaux (qui regroupe 180 syndiqués sur 1 000 agents), il a été un des animateurs de la mobilisation des territoriaux de Villejuif. EE : Quand et comment a débuté la mobilisation des territoriaux de Villejuif ? Joachim : Elle a commencé en mai-juin, mais les AG étaient peu fournies. Un des sujets de discussion était la stratégie de l’intersyndicale : on avait conscience qu’il fallait se préparer à un affrontement majeur sur la question des retraites et on ne voyait pas le sens de la participation aux négociations avec Fillon. Parallèlement, tout l’été, on a tenté d’expliquer aux collègues ce que la réforme allait changer pour eux. On l’a fait avec des tracts, des affiches assez simples.
Après le 7 septembre, qui a été un gros succès, on a fait monter la pression en organisant des AG tout les deux jours et des actions de mobilisation (prise de parole dans les services, diffusion de tracts…). On a également été à l’initiative du 15 septembre devant l’Assemblée nationale, alors que l’intersyndicale n’appelait que le 23. Ça a été repris par l’UD 94, puis par l’intersyndicale RP et a donné une dynamique dans le mouvement à Villejuif.
Le principe de la grève reconductible a été voté à partir du 12 octobre. Du jour au lendemain on est passé de 70 à 200 en AG, puis ça a continué à grossir tous les jours jusqu’à 350. Dès le 13, on a mis en place un comité de grève, avec syndiqués et non syndiqués. EE : Quelle a été la différence entre cette mobilisation et les précédentes, 2003 ou 1995 ? Joachim : Il faut remonter à 1995 pour retrouver une telle ampleur chez les territoriaux de la ville. Il y a plusieurs différences : d’abord c’est l’AG, avec son comité de grève, qui décidait de tout, la CGT appuyant et soutenant le mouvement. Ensuite il y a eu la place centrale des femmes. Enfin, ceux qui étaient en pointe étaient les catégories C : femmes de ménage, de service, ouvriers…
Mais la plus grosse difficulté est liée à la crise du syndicalisme. On a envoyé des délégués dans les hôpitaux (il y en a 3 à Villejuif), des enseignants de la FSU sont venus en AG… Mais nous n’avons eu aucun soutien de l’UL et de l’UD, sans même parler de la Confédération. On s’est sentis très isolés. Les structures interpro de la CGT ne fonctionnaient tout simplement pas. EE : Et votre initiative à la raffinerie de Grandpuits ? Joachim : I-télé a organisé un duplex en direct quand on a donné l’argent que nous avions récolté pour eux. Après ça, des centaines de personnes ont appelé en mairie de toute la France pour savoir comment soutenir les salariés de Grandpuits. Ça a donné un relais médiatique et nous a mis dans une position de légitimité y compris vis-à-vis des instances de la CGT 94. EE : Penses-tu qu’il était possible de gagner ? Joachim : Les possibilités existaient et elles existent toujours. On a vu qu’il y avait du monde pour aller dans la bagarre. Mais tous les mouvements de reconductibles sont partis de la base. S’il y avait eu une volonté des directions d’aller à l’affrontement et de bloquer l’économie, on était en capacité de le faire. EE : Quel bilan en tires-tu ? Joachim : Une grève d’un mois, c’est une aventure humaine. Les gens se découvrent. Il n’y avait plus de catégorie A, B ou C. En temps normal on se croise et on se dit poliment bonjour, maintenant on se fait la bise et on prend un café ensemble pour discuter des suites à donner au mouvement. On a déjà une base de gens qui se connaissent, qui se sont serrés les coudes. Si cette mobilisation a été une découverte pour certains, ça a aussi ravivé les énergies militantes de pas mal d’autres. Nous n’arrêtons pas de syndiquer depuis la fin de la grève. La prochaine fois, on partira beaucoup plus fort dès le départ ! On a montré nos muscles et changé le climat politique dans le pays. Sarkozy pourrait avoir des surprises avant pas longtemps… Entretien réalisé par Thierry Guintrand, 13 Novembre 2010.

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