Altermondialisme : Quand ATTAC tique…

L’impensable est arrivé en juin lors de l’élection au conseil d’administration d’ATTAC : une fraude électorale au profit du président sortant, Jacques Nikonoff, et des candidats qui le soutenaient !
Un coup terrible pour l’association, qui affecte aussi l’ensemble du mouvement social…

À la lecture du rapport des statisticiens indépendants qui ont enquêté sur les « anomalies » révélées lors du dépouillement, la fraude est avérée : « les écarts enregistrés n’auraient pas été possibles sans l’intervention de quelque “main invisible”… et ces écarts ont effectivement faussé le résultat du scrutin » donnant une majorité à la liste du président…
La révélation de ce coup a provoqué une « fracture éthique » dans l’association dont le climat interne était déjà suffisamment alourdi. ATTAC a donc besoin d’un sursaut moral, tout autant que politique, ce qui suppose que les faits soient reconnus.
Or, la fraude continue d’être niée ou atténuée par un certain nombre d’élu-es au CA qui parlent de « contentieux électoral » ou « d’hypothèse de manipulation »…!

** Alors, est-il possible d’éviter la cassure irrémédiable, de sortir d’une telle crise ?


Tout dépend du débat politique qui va être mené dans les prochaines semaines et des nouvelles élections prévues en décembre. Pages_24-25_c__Page_2_Image_0001.jpg Sur le fond politique – dont la question de la démocratie et du respect du vote des adhérents n’est guère séparable – les termes du débat se sont éclaircis ces derniers mois. Pour l’essentiel, les divergences ont trait à la nature de l’association.
A l’origine d’ATTAC, il y a la prise de conscience de la globalité des enjeux politiques qu’entraîne la mondialisation libérale et l’essor du mouvement de contestation de cette mondialisation qui s’appellera le mouvement alter-mondialiste. Sa création a rassemblé des personnalités dont l’équipe du Monde diplomatique autour de Bernard Cassen et des organisations du mouvement social dont une forte composante syndicale (CGT, FSU, Solidaires). Et puis, les comités locaux ont essaimé. ATTAC est donc une construction originale, à la fois une association d’adhérents individuels, un conseil scientifique et des « membres fondateurs » – syndicats, associations de développement, associations féministes, mouvement des « sans », mouvements écologistes, de l’économie sociale et solidaire, journaux, etc. –regroupés en un « collège ».
ATTAC est ainsi un lieu où s’élaborent des analyses, des résistances et des alternatives, à partir de postures au départ différentes. ++++

**Sauvegarder les équilibres…

Que la place des adhérents individuels devienne plus importante et même prépondérante, c’est le souhait exprimé à l’unanimité des fondateurs, et chacun souhaite que la réforme des statuts qui va dans ce sens soit validée au plus vite.
Le débat ne porte donc pas sur ce point. Par contre, il revient aux diverses composantes fondatrices de désigner elles mêmes leur représentant-es. La proposition de les faire « élire » directement par les adhérents, de trier entre ces composantes, aurait précisément pour conséquence de briser l’équilibre…
C’est ce que refuse le collège des fondateurs qui appelle dans son texte d’orientation à sauvegarder ces équilibres : « La force d’ATTAC, c’est la synergie entre toutes ses composantes… un lieu de convergence où s’élaborent des stratégies singulières qui dépassent celles de ses composantes et où s’affirme un projet inédit “d’association d’éducation populaire” tournée vers l’action ». Cette conception est rejetée par Bernard Cassen, Jacques Nikonoff et leurs amis qui réfutent le terme de lieu de convergences et veulent une organisation d’adhérents individuels, « souverains», qui doit défendre ses « parts de marché politique » contre ses organisations fondatrices présentées comme concurrentes ! Le collège des fondateurs alerte : « la remise en cause de la nature d’ATTAC comme lieu de convergence antilibéral, avec la mise à l’écart des organisations fondatrices, ouvrira la porte à la transformation progressive de notre association en parti. »
L’histoire de la tentative de monter des listes 100 % alter aux élections de 2004 reste un « cadavre dans le placard »… Ce débat sur l’identité politique d’ATTAC, qui rentre en résonance avec les débats sur son fonctionnement (et sa direction), renvoie à des questions stratégiques plus larges sur la place d’ATTAC dans le mouvement altermondialiste.
Les fondateurs voient dans ATTAC l’élément dynamique et fédérateur de ce mouvement – dont la diversité est une richesse – qui doit pratiquer la recherche de convergences par le consensus et la construction collective de mobilisations.
A l’inverse, la présidence Cassen-Nikonof voit dans le mouvement altermondialiste un « corps informe » dont ATTAC doit à tout prix se distinguer.
Ce débat s’est cristallisé au moment de la campagne contre le TCE sur la participation (ou non) d’ATTAC aux collectifs unitaires (la présidence la refusant). [(Les enjeux de ce débat sont maintenant clairement identifiés. La crise a déjà fait des dégâts importants.
Sera-t-elle surmontée ? C’est le pari qu’il faut faire, malgré les embuscades et contre ceux qui semblent prêts à brûler la maison si elle ne leur donne pas raison…)] JEAN MALIFAUD, SOPHIE ZAFARI

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