Mathilde Blanchard : La situation sanitaire empêche –t-elle le syndicalisme ?

Deux semaines après la rentrée, la presse faisait état de 32 écoles et 524 classes fermé.es. De quoi confirmer que cette rentrée est loin d’être normale et que l’année scolaire qui s’annonce ne le sera pas d’avantage. Il est donc logique que les mesures sanitaires accaparent l’essentiel des préoccupations des équipes pédagogiques.

D’autant plus que la responsabilité pèse souvent uniquement sur les enseignant.es. L’augmentation des charges mentales quotidiennes relève à la fois d’une gestion immédiate de l’organisation, principalement dans l’urgence, d’une adaptation complexe et difficile des gestes professionnels, en particulier lié au port du masque (mais pas seulement). Un poids lié également à une inquiétude face à l’ampleur des difficultés d’apprentissage de certaines et certains élèves, ou encore d’une incertitude sur le maintien de la classe, voire de la vie sociale, pour les semaines qui vont suivre. Cette rentrée qui plus est, fait suite à une fin d’année éprouvante, dans une individualisation du métier, et qui commence avec un profil assez similaire.

De quoi déconcerter…. Mais de quoi faire du syndicalisme
Dans une situation si inhabituelle, il est tout autant logique que notre syndicat, ses militant.es soient destabilisé.es.

Nous avons trouvé lors du confinement des ressources pour maintenir le lien avec les collègues et des formes de collectif. Possible alors que ce contexte, malgré ses apparences de contraintes empêchantes, puisse être transformé en un défi syndical affranchisseur. Nous connaissons des pistes d’action concrètes : passer directement dans les écoles, appeler les unes, les uns, les autres pour prendre nouvelle de leur rentrée, rencontrer les stagiaires dans leurs écoles. Postes fermés, conditions de travail dégradées ou inadaptées, affectations contraintes et opaques, non remplacements, injonctions absurdes, pressions… Chaque remise en cause de nos missions et du service public d’éducation peut être l’occasion de rappeler notre rôle et notre présence.

Mais surtout, les problématiques sanitaires doivent permettre une entrée supplémentaire de nos actions : accompagnement des personnes dites vulnérables et information sur leur droit, demande du retrait du jour de carence (réaffirmée par la ministre de la Transformation et de la Fonction publique), recensement des fermetures, analyse des choix pédagogiques et plus largement du traitement des risques pandémiques et des difficultés rencontrées. Poursuivre aussi notre campagne sur l’exigence de masques plus protecteurs qui doivent être fournis, en lien avec celle unitaire sur la nécessité des masques gratuits.

Ces états des lieux doivent permettre des interpellations des DASEN, de l’ARS, des préfets (avec la FSU) … Bref refaire du syndicalisme à partir des préoccupations immédiates en mettant en évidence les dysfonctionnements institutionnels et les fanfaronnades mensongères de Blanquer, tout en donnant à voir sa stratégie du choc et les clés d’analyse de son projet éducatif entérinant les inégalités scolaires. Construire des revendications communes à la fois sur l’urgence quotidienne mais aussi sur la mise en lumière que ce gouvernement préfère les profits des multinationales à la santé des salarié-es et des usager-es du service public.

Il reste nécessaire de recréer, de maintenir, des collectifs de réflexions et de résistance, les faire vivre en retissant les liens par l’organisation de RIS en visio, en présentiel sur des zones restreintes pour regrouper moins de collègues, sur des sujets ciblés.

Se saisir de chaque initiative sans renoncement devient une reconstruction pierre par pierre des collectifs dont les difficultés sont patentes. Et parce que nous savons qu’il est urgent de réclamer d’autres moyens pour l’école, urgent de porter le projet d’une école émancipatrice dans le monde d’après, nous ne pourrons que persévérer indubitablement.