L’histoire de la langue plaide pour le langage inclusif…

À l’automne 2017, une nouvelle polémique contre l’écriture inclusive
se déclenchait, suite à la publication aux éditions Hatier d’un manuel
scolaire de CE2 l’utilisant. « Charabia illisible » et « français
défiguré »(1) pour Michael Edwards, membre de l’Académie Française ; «
agression de la syntaxe par l’égalitarisme » et « attentat à la
mémoire elle-même, car toute langue est une mémoire »(2) pour Raphaël
Enthoven, l’écriture inclusive a été violemment attaquée.

L’écriture inclusive késako ?

Elle ne se limite pas à l’usage de tirets ou de points
médians. D’abord, accorder les fonctions, métiers, grades et titres en
fonction du sexe ; ensuite utiliser à la fois le féminin et le
masculin ou un terme épicène quand il est question d’un groupe de
personnes et enfin éviter le recours aux termes « Femme » et « Homme »
pour y préférer des termes plus neutres comme « droits humains »
plutôt que « droits de l’Homme ». L’actuelle polémique a conduit
l’autrice de Non, le masculin ne l’emporte pas sur le féminin !(3),
Eliane Viennot, à élargir la question au « langage inclusif ». Dans
son dernier essai Le langage inclusif. Pourquoi ? Comment ? (4) , elle
détaille les bonnes raisons de nous débarrasser des règles
grammaticales reproduisant les normes sociales patriarcales pour dire
et écrire un monde où tout le monde aurait sa place à égalité.

« On ne naît pas femme, on La devient »

Telle est la phrase que Simone de Beauvoir aurait écrite si, fille de
l’école, elle n’avait assimilé les règles concoctées depuis le XVIIe
siècle pour donner au « genre le plus noble » la place qu’il occupe
aujourd’hui dans la langue française. Dans les deux premières parties
de son essai, (« La langue française n’a pas besoin d’être féminisée »
et « La masculinisation du français ») Eliane Viennot relate comment
les règles appliquées aujourd’hui dans notre langue ne sont que le
résultat d’une masculinisation imposée à partir du XVIIe siècle, non
pas par la linguistique mais par l’idéologie patriarcale qui
domine. Dès le Moyen-Âge, la langue française permettait, à la fois
avec la grammaire et le vocabulaire, d’exprimer à égalité le féminin
et le masculin. Les noms de métiers par exemple existaient déjà au
féminin, même le bourreau avait son équivalent, la bourrelle ! Quant à
l’accord de proximité il était très répandu, c’est l’Académie
Française qui l’a supprimé, devenant la bourrelle d’un langage
neutre. En 1651, Dupleix décrète que « Parce que le genre masculin est
le plus noble, il prévaut seul contre deux ou plusieurs féminins,
quoiqu’ils soient plus proches de leur adjectif ». Pourquoi « plus
noble » ? En 1767, Beauzée répond : « à cause de la supériorité du
mâle sur la femelle ».

La troisième et dernière partie (« Rendre son langage inclusif »)
présente les ressources dont notre langue dispose et les solutions
simples qui existent pour réintroduire l’égalité entre les sexes dans
nos écrits et nos paroles : éviter des féminins qui sonnent à l’oral
comme des masculins (préférer autrice à auteure), utiliser la « double
flexion » (les candidates et les candidats par exemple), adopter
l’accord de proximité ou de majorité ou encore intégrer le point
médian etc. Une simple nouvelle grammaire, où l’accord de genre peut
permettre au langage de sonner de nouveau au féminin comme au masculin
qui ne peut plus rester neutre.

C’est dire avec Eliane Viennot que : « nous n’avons pas à modifier
notre langue mais à renouer avec ses logiques, en nous appuyant sur
ses ressources. ».

Amandine Cormier

1) Le Figaro, 5/10/17.
2) Europe 1, 26/09/17.
3) Non, le masculin ne l’emporte pas sur le féminin, éditions IXe, 2014.
4) Le langage inclusif. Pourquoi ? Comment ? Petit précis historique
et pratique, avec une postface de Raphaël Haddad et Chloé Sebagh,
éditions IXe, 2018.