Un an après #MeToo et #BalanceTonPorc, où en est-on ?

En octobre 2017, les #MeToo et #BalanceTonPorc se propagent sur les
réseaux sociaux depuis les États-Unis, vers l’Europe, et la France.
Des femmes prennent la parole sur les violences, notamment sexuelles,
qu’elles ont subies. Aujourd’hui, presqu’un an après, cette parole a
été entendue, mais à quel point peut-elle faire évoluer les politiques
et la société entière ?

Les hashtags, #MeToo et #BalanceTonPorc, en libérant la parole, ont
certainement permis une prise de conscience et une dénonciation des
violences ordinaires subies par les femmes. Cela nous a rappelé que le
combat pour l’égalité femmes/hommes était loin d’être gagné. C’était
aussi un message adressé aux hommes : d’une part, vous n’aurez plus
désormais la possibilité de bénéficier du silence des victimes,
d’autre part, si vous cautionnez les actes de vos congénères, vous en
êtes complices. Emmanuel Macron a fait de l’Égalité entre les femmes
et les hommes une grande cause nationale. Pourtant, dans les faits,
pas grand-chose n’a changé. Les chiffres sont accablants. Faut-il
encore rappeler qu’une femme meurt tous les 2 jours et demi sous les
coups de son conjoint ou de son ex-conjoint, que 75 000 femmes sont
violées par an, que 100 % des femmes déclarent avoir été victimes de
harcèlement dans les transports ?

En France, le ministre de l’Intérieur, G. Collomb, a annoncé début
septembre une hausse inquiétante de 22 % des signalements de violences
faites aux femmes depuis le début de l’année 2018. Les violences de
nature sexuelle, quant à elles, ont augmenté de 23,1 % sur les sept
premiers mois de 2018 par rapport à la même période en 2017. Les
forces de l’ordre ont eu à traiter 3 357 faits de harcèlement
sexuels de plus en un an.

En réaction à ces chiffres préoccupants, le ministère de l’Intérieur
va lancer en octobre une « plateforme de signalement des violences
sexuelles et sexistes ». La loi du 3 août 2018 renforçant la lutte
contre les violences, portée par la Garde des Sceaux Nicole
Belloubet et la secrétaire d’État chargée de l’Egalité femmes hommes
Marlène Schiappa, vient renforcer la loi du 9 juillet 2010 sur les
violences faites aux femmes en quatre points :

– elle allonge à 30 ans le délai de
prescription pour les agressions sexuelles et viols commis sur des
mineurs. Ce délai de prescription court à partir de la majorité de la
victime ;
– elle crée une infraction d’outrage
sexiste pour réprimer le harcèlement dit « de rue », elle sanctionne
également le fait d’user de tout moyen pour apercevoir les parties
intimes d’une personne à son insu ou sans son contentement ;
– elle élargit la définition du harcèlement en ligne afin de pouvoir
réprimer les cas où une personne estvictime d’une attaque coordonnée
de plusieurs internautes, même lorsque chacune des personnes n’a pas
agi de façon répétée ;
– elle renforce des dispositions du
code pénal pour réprimer les infractions sexuelles sur les
mineur-es. La contrainte morale sur la personne mineure peut résulter
de la différence d’âge existant entre la victime et l’auteur-e des
faits et de l’autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur la
victime.

C’est ce dernier point qui a provoqué le plus de débats, en
particulier à cause de la confusion dans laquelle ils ont eu lieu au
Parlement, signe d’un manque de préparation du gouvernement. Une polé-
mique est née sur les réseaux sociaux, certain-es internautes accusant
la loi de légaliser la pédophilie. À l’origine, elle devait
instaurer une présomption irréfragable (irréfragable veut dire que la
preuve contraire ne peut être apportée) de nonconsentement en
dessous de 15 ans. Toute relation sexuelle entre un-e majeur-e et un-e
mineur-e de moins de 15 ans aurait été qualifiée d’agression sexuelle
ou de viol, en estimant qu’en dessous de cet âge, le ou la mineur-e
ne dispose pas du discernement nécessaire pour consentir valablement
au rapport sexuel.

Les associations féministes sont déçues : cette loi, encore une
fois, ne va pas assez loin pour lutter efficacement contre les
violences faites aux femmes. Quand ce gouvernement va-t-il joindre les
actes aux paroles ? À quand une grande loi comme en Espagne ?

En attendant, les femmes et les associations féministes, elles,
continuent de se mobiliser pour éveiller toutes les consciences et
mettre fin aux violences faites aux femmes. Le 3 juillet dernier, plus
de 200 personnes, des féministes, des associations se sont réunies à
Paris et ont créé le mouvement « Nous Toutes » . Son objectif :
rassembler un millier de volontaires pour organiser un grand
rassemblement le 24 novembre prochain, dans le cadre de la journée
mondiale de lutte contre les violences faites aux femmes, « une
déferlante féministe, rassemblant des centaines de milliers de
personnes en même temps, pour que la France se réveille et dise Stop
aux violences sexistes et sexuelles ». Rejoignons-les !

AMANDINE CORMIER