Parcoursup : coller, ou ne pas coller (au milieu) ? Là est la question !

Durant l’année universitaire 2018-2019, le SNESUP-FSU s’est retrouvé,
de manière un peu inhabituelle pour le syndicat majoritaire des
enseignant-es-chercheur-es et enseignant-es du supérieur, à contre-
courant du milieu universitaire en appelant à lutter contre
Parcoursup.

Bien que le SNESUP-FSU ait participé en partie aux innombrables
réunions de « concertation » de façade organisées par le ministère en
six semaines, dès les annonces à la fin octobre du dispositif prévu,
son opposition a été claire. Globalement, la direction nationale n’a
pas montré trop de divergences dans l’analyse des mesures et de
leurs conséquences pour les néo-bachelier-es en termes de tri
social. Les discussions internes ont surtout porté sur les moyens à
employer pour mobiliser les collègues, et les actions à proposer ou, à
défaut, celles à soutenir (ou non).

En effet, cette réforme n’implique pas actuellement d’atteinte directe
aux statuts, et donne l’espoir de conditions de travail améliorées
avec la limitation des effectifs étudiants dans les formations par
l’instauration des capacités d’accueil (pourtant toutes augmentées ou
presque pour 2018-2019, sans moyens supplémentaires réels). À part
peut-être en lettres et sciences humaines sociales, les collègues se
sont montré-es assez peu concerné-es, quand ils/elles n’étaient pas
secrètement ou ouvertement favorables à une sélection importante à
l’entrée de l’université, qui « redorerait son blason ».

Retour sur la LRU

Cette situation me rappelle beaucoup celle de
2007-2008 et de la lutte contre la loi LRU : beaucoup de collègues ne
voulaient pas s’opposer à la réforme, au motif que la situation des
universités n’était pas bonne et qu’il fallait la changer. Bien que
les analyses du SNESUP sur la loi LRU se soient révélées très justes
au fil du temps, la même configuration s’est retrouvée en 2017-2018,
avec une mobilisation des enseignant-es globalement très faible, et un
mouvement étudiant médiatisé, plus large en 2007 qu’en 2018, mais à
l’époque, le mouvement anti-CPE de 2006 avait contribué à former des
militant-es et les blocages d’universités n’étaient pas sauvagement
réprimés, contrairement à ceux de 2018.

Cette position apparemment « à contrecourant » de l’opinion
dominante dans le milieu a donné lieu à quelques démissions
d’adhérent-es, explicitées par un désaccord avec la position du
SNESUP-FSU, mais pas non plus à une vague importante de démissions
pour ce motif et, si les effectifs du syndicat sont encore en baisse
en 2017-2018, la perte n’est pas plus importante que celle observée
les années précédentes.

Une contradiction à gérer

Cette mise en contradiction du syndicat
et du « milieu » rend plus aiguës les difficultés déjà perceptibles
depuis la loi LRU, de la tendance Action syndicale (AS) − qui fait
encore 50 % des voix sur l’orientation − pour définir la ligne qu’elle
veut porter. En effet, tout comme la tendance U&A au niveau de la FSU
dans laquelle elle se reconnaît, AS porte la volonté réaffirmée
maintes fois que le syndicat « colle au milieu », en vue d’un
syndicalisme de masse qui donne le pouvoir de négociation auprès du
ministère, et qu’il participe à la cogestion des établissements.
Mais comment « coller au milieu » quand celui-ci semble devenir
majoritairement en désaccord avec les fondements idéologiques du
syndicat ? L’espoir de retourner rapidement l’opinion dudit « milieu
» étant mince, si aucun mouvement social de masse ne vient bouleverser
la situation politique, une des questions qui se poseront donc au
prochain congrès d’orientation du SNESUP-FSU sera donc de savoir s’il
accepte d’affronter une traversée du désert encore plus aride que
celle des dernières années, en restant sur ses bases idéologiques
actuelles, ou s’il s’oriente vers un syndicalisme frère de celui du
SGEN-CFDT, qui s’accommode très bien de toutes les réformes et fait
semblant de gagner des inflexions. Dans les deux cas, en termes de
construction du syndicat et d’adhésions, il y a un risque : la
première option n’amènerait que peu de nouvelles adhésions, car les
collègues favorables au néo-libéralisme ne voient pas d’intérêt à se
syndiquer, qui plus est à une organisation qui porte une vision
contraire à la leur, et les adhésions de collègues encore en accord
avec le SNESUP-FSU ne compenseront probablement pas l’effet «
papy-boom » actuel des départs à la retraite suivis de démissions. La
seconde option entraînerait à coup sûr un départ d’adhérent-es, et
surtout de militant-es, qui ne se reconnaîtraient plus dans une ligne
trop accommodante avec les politiques néo-libérales. Une troisième
voie existe-t-elle ?

Ces questions se posent, me semble-t-il, plus globalement dans tous
les syndicats nationaux de la FSU, et donc dans la FSU, dont
l’existence se retrouve aussi en discussion, car une barricade n’a que
deux côtés…

CLAIRE BORNAIS, MEMBRE DU SECRÉTARIAT NATIONAL DU SNESUP-FSU