Après le grignotage, le coup de hache !

La réforme des retraites concerne les actifs-ves qui vont prendre leur retraite. A priori, car il serait étonnant qu’au bout d’un certain temps, les « ancien-nes » retraité-es ne soient pas traité-es de privilégié-es qu’il convient de dégrader.
Par équité bien sûr… D’ailleurs, le processus est déjà engagé depuis plusieurs années.


Rappelons d’abord que depuis 2003, les pensions de la Fonction publique et les retraites du secteur privé ont largement un destin commun. Les différences ne portent plus qu’encore un peu sur les conditions de liquidation ou la réversion. Mais ensuite, toutes les conditions d’évolution sont désormais largement communes. La principale différence (importante c’est vrai) est que la retraite du privé est composée de deux étages, la retraite principale et la complémentaire.

Rappelons aussi les effectifs. Sur un total de 16 millions de retraité-es, ceux de la FP d’État sont 2,4 (payé-es par l’état), ceux de la FP territoriale et hospitalière 1,3 (géré-es par la CNRACL), auxquel-les il faut ajouter 2 millions de contractuel-les, payé-es par la CNAV, avec l’IRCANTEC comme complémentaire.

Le grignotage

Depuis 2003, toutes les retraites sont soumises au même régime d’indexation automatique. Une mesure vendue comme rassurante. Cette garantie, pendant quelques années, semble même un avantage par rapport à la stagnation du point d’indice des actifs de la FP.

C’est pourtant un trompe-l’œil. Il s’agit en effet d’une indexation sur l’indice des prix. Or, même faiblement (1 ou 2 %), le salaire moyen des actifs progresse chaque année. Ce qui veut dire qu’au fil des années le niveau de vie des retraité-es, nominalement indexé, s’érode de fait par rapport à celui de la société. Un écart significatif se creuse inéluctablement.

Autre grignotage, celui de la date de cette indexation. Au départ, c’était au 1er janvier, donc avec anticipation sur l’inflation prévue et rattrapage éventuel en décembre. Et puis, ce fut le 1er avril, et puis le 1er octobre. L’an prochain, ce sera fin décembre. Une année de perdue !

Enfin, ça devait arriver : depuis 2013, cette indexation est « gelée ». Partiellement rétablie en 2017 (0,8 % pour une inflation de 1,2 %), elle est de nouveau gelée pour 2018. Pour le privé, les complémentaires ARCCO et AGIRC sont gelées de façon indéfinie.

D’autres grignotages ont encore rongé les retraites. Ce furent successivement la CASA (0,3 % pour cette Contribution Additionnelle de Solidarité pour l’Autonomie), et puis la perte de la demi-part fiscale pour les veufs/veuves et puis la fiscalisation du complément familial …

Le coup de hache !

Mais amuse-gueule que tout cela ! Cette année, Macron a lancé l’augmentation de 1,7 % CSG. Elle a en réalité une autre finalité, grave par ailleurs, la fiscalisation des cotisations sociales. Mais, elle a aussi la particularité de ne pas être, pour les seul-es retraité-es, un transfert, mais une perte sèche qui s’est vue dès la pension de janvier 2018 ! Le gouvernement met bien en avant qu’il y aura un seuil d’exemption qui exclurait 40 % des retraité-es. On cite généralement 1 200 €, bien ce soit un peu plus complexe selon la situation d’âge ou de couple. Mais l’argument a son revers : il révèle que 40 % des retraité-es sont en dessous de 1 200 € et qu’en prime, on a un gouvernement qui considère qu’avec une telle retraite, on est « aisé » ! Finalement, l’opération aura été assez dévastatrice politiquement.

Au-delà de la situation faite aux retraité-es, cette dégradation est une vraie question de société. On peut parler, au sens propre, de la paupérisation d’une large couche de la population, couche appelée démographiquement à s’étendre. Cette paupérisation a déjà et aura de nombreuses conséquences économiques et sociétales qu’il nous faudra prendre au sérieux. ●

Jean-François Quantin