Grégory Bekhtari, sur la situation des migrant-es

Bernadette dans son introduction a rappelé que la situation des migrants était un enjeu de société.

Une chose est sûre, le discours de Calais du président Macron nous a permis de constater à quel point la politique migratoire qu’il défend relève d’une vision de la société qui n’est pas la nôtre. Derrière un discours qui se veut humain à l’égard des migrants qui mériteraient d’être accueillis (ceux qui auraient le droit à l’asile pour des raisons politiques), se dessine en creux un autre discours, cynique et inhumain, caution d’une xénophobie décomplexée, celui qui pointe du doigt une catégorie de migrants qui ne mériteraient rien d’autre que d’être expulsés, qui les décrit en profiteurs et en opportunistes qui n’auraient pas leur place sur notre sol. Celui qui justifie comme une action politique « raisonnable et responsable » les pratiques de répression de ces « mauvais » migrants sous prétexte de mieux accueillir les « bons ».

Heureusement, de très nombreuses associations locales refusent cette logique de tri et s’investissent au jour le jour pour assurer avec les moyens insuffisants qui sont les leurs un accueil aussi digne que possible de tous les migrants.

De même que la CGT, qui l’a affirmé récemment par la voix de son secrétaire général Philippe Martinez, la FSU est favorable à l’accueil de tous les migrants, sans discriminer les bénéficiaires du droit d’asile des autres. Elle soutient les aidants, celles et ceux qui montrent dans la pratique au reste de la population que les droits humains ne se découpent pas entre les personnes en détresse qui mériteraient qu’on les accueillent et celles qui mériteraient qu’on leur tourne le dos et qu’on les rejette, comme Cédric Herrou et d’autres, de plus en plus nombreux, dont la résistance courageuse et exemplaire face aux politiques violentes du ministre de l’Intérieur et du président est frauduleusement assimilée à de la délinquance.

Elle a dénoncé la circulaire Collomb, qui préconise sans scrupule la traque des migrants jusque dans les centres d’hébergement d’urgence, et dont même le Défenseur des droits, pourtant représentant des institutions de l’Etat, demande le retrait.

Elle a mis en garde contre les dangers importants et les nombreuses menaces de régression contenus dans le projet de loi « Asile et Immigration ».

Elle continue à défendre pied à pied la scolarisation des mineurs sans papiers et participer aux collectifs d’aide des mineurs étrangers isolés pour l’application du droit international les concernant.

Elle s’inscrit dans la démarche des Etats Généraux des Migrations et appelle ses membres à participer aux collectifs locaux qui se mettent en place sur le territoire.

A partir de ses points d’appui, comme sur d’autres thèmes, il est temps de changer de rythme.

Au delà de sondages plus ou moins discutables sur ce que penserait une majorité de Français sur la position à tenir vis à vis de la situation des migrants, un mouvement d’opinion est en train de se développer pour remettre en cause la politique gouvernementale et il peut devenir majoritaire à court ou moyen terme dans les têtes et dans les cœurs.

La contestation va jusque dans les rangs de la majorité présidentielle, et, contrairement à ce qu’on aurait attendu, ce n’est pas de l’opposition incarnée par les forces politiques, syndicales ou du mouvement social au président Macron que la charge la plus virulente et sans concessions est venue.

C’est un intellectuel, Yann Moix, dont on ne soupçonnait pas pourtant qu’il s’engagerait un jour pour quelque cause que ce soit, qui a arraché le masque d’humanité dont le président se couvrait jusqu’ici sans que personne ne réussisse à démontrer publiquement dans les média le niveau de cynisme et d’hypocrisie de sa posture.

Je cite cette mise en accusation qui rappelle par certains accents le célèbre « J’accuse de Zola » dans la mise à nu de l’indignité des traitements infligées aux migrants cautionnés par l’exécutif :

« Soit les forces de l’ordre obéissent à des ­ordres précis, et vous êtes impardonnable ; soit les forces de l’ordre obéissent à des ­ordres imprécis, et vous êtes incompétent.

Ou bien les directives sont données par vous, et vous nous trahissez ; ou bien les directives sont données par d’autres, et l’on vous trahit.

Quand un policier, individuellement, ­dépasse les bornes, on appelle cela une bavure. Quand des brigades entières, groupées, dépassent les bornes, on ­appelle cela un protocole. Vous avez ­instauré à Calais, monsieur le Président, un protocole de la bavure.

J’affirme, M. le Président, que des fonctionnaires de la République française frappent, gazent, caillassent, briment, humilient des adolescents, des jeunes femmes et des jeunes hommes dans la détresse et le dénuement. Je l’ai vu et je l’ai filmé.

J’affirme, M. le Président, que des exilés non seulement innocents, mais inoffensifs, subissent sur notre territoire des atteintes aux droits fondamentaux de la personne. Je l’ai vu et je l’ai filmé. 

Ces actes de barbarie, soit vous les ­connaissiez et vous êtes indigne de votre fonction ; soit vous les ignoriez et vous êtes indigne de votre fonction. »

Quand des représentant-s de la société civile, jusqu’ici silencieux et inactifs, en viennent à prendre le risque d’affronter le pouvoir politique au grand jour, c’est le signe qu’il est tant d’accélérer dans la construction de la résistance.

Le rôle de la FSU est de participer en étant présente au niveau central à la mise en place des Etats Généraux des Migrations, de prendre part à leurs initiatives à venir pour tout faire contre la nouvelle loi « Asile et Immigration », de solliciter les autres syndicats à faire de même et d’exiger de nouveaux droits pour les migrants.