Déclaration introductive d’Olivier Sillam, secrétaire national du SNES pour l’École Émancipée

Camarades, ce congrès s’ouvre alors que le pays connaît peut-être son plus important mouvement social depuis le début du quinquennat. Le gouvernement, avec son projet de casse du code du travail, a mis dans la rue des salarié-es mais aussi les jeunes générations : étudiant-es et lycéen-nes. Le mépris social de ce gouvernement qui n’a de gauche ou de socialiste que le nom est sans borne. Aucune négociation ne sera envisageable tant que ce projet ne sera pas retiré car c’est l’ensemble qui pose problème. En effet, l’article 1 de cette loi dit : «Les libertés et droits fondamentaux de la personne sont garantis dans toute relation de travail.Des limitations ne peuvent leur être apportées que si elles sont justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché. »

Dès ce premier article les normes du code du travail sont inversées. En effet, jusque-là le code du travail s’imposait à tou-te-s puis venaient les accords de branche ou conventions collectives et enfin les règlements intérieurs des entreprises. Cela préserve actuellement les salarié-es de dérives que chaque patron pourrait imposer dans chaque règlement intérieur, entreprise par entreprise. Avec la loi El Khomri chaque entreprise pourrait avoir un droit différent et laisserait donc les salarié-es en pâture aux appétits des pires patrons, ce qui n’est pas sans rappeler l’autonomie des établissements dans la fonction publique qui renvoie à l’échelon local une part toujours plus grande de gestion des personnels. Prétendre que licencier permettrait d’embaucher est fallacieux ! Les modifications cosmétiques pour faire plaisir à certains syndicats ne changent rien. Nous devons aller contre cette logique mortifère et réclamer des droits nouveaux, comme une nouvelle réduction du temps de travail : les 32h sans perte de salaire, seule mesure capable de créer réellement des emplois (cela signifie une RTT de 3h pour les enseignant-es). Ce projet de loi est néfaste pour l’ensemble des salarié-es. Aussi est-il nécessaire d’être en grève et de se joindre aux manifestations du 31 mars. L’École Émancipée se félicite que le congrès participe massivement à la manifestation qui aura lieu ce jeudi à 10h à Grenoble à la gare.
Faire reculer le gouvernement, c’est important pour nous en tant que travailleurs. C’est important aussi parce que nous sommes en contact avec les jeunes qui vont entrer sur le marché du travail et qui refusent d’être maltraités. C’est important enfin, car, n’ayons aucune illusion, le prochain gouvernement quel qu’il soit, si cette loi passe, s’attaquera au statut de la Fonction Publique, au nom d’une prétendue équité.
Pour cela nous devons non seulement être dans l’action jeudi mais nous devons préparer la suite.

Être dans l’action !

C’est peut-être là où nous avons eu le plus de désaccords avec la direction UA du SNES, notamment lors de la première année de ce mandat syndical.

Au Congrès du SNES 2014 il y eut des débats houleux autour du projet de décrets sur les missions et obligations de service des enseignants du 2nd degré destinés à remplacer ceux de 1950. L’École Émancipée défendait un vote contre ces textes au CTM, considérant qu’ils recelaient des risques d’accroissement de la charge de travail et de la pression des hiérarchies locales. Mais la direction du SNES-FSU, tout en reconnaissant que les textes n’étaient pas satisfaisants a mis en avant ce qu’elle considérait comme des « avancées » et s’est orientée vers l’abstention, se privant de l’opportunité de défendre une diminution du temps de travail. Aujourd’hui, nous continuons à dire à l’École Émancipée qu’il n’y a pas eu d’avancées avec les nouveaux statuts qui se sont mis en place à la rentrée 2015 et, qu’au contraire, ils renforcent le pouvoir des chefs d’établissements.

La direction UA n’a pas non plus été clairvoyante au sujet du piège du nouveau projet de socle de compétences. Plus ambitieux que celui de 2005, le socle à la mode Peillon fut considéré comme acceptable par le SNES-FSU. Or il demeure la pierre angulaire de l’école libérale. Les nouveaux programmes et le volet évaluation qui les accompagnent en font la démonstration : les compétences seront désormais l’objectif de l’école qui renonce ainsi à faire réussir tout-es les élèves. Si le SNES-FSU mène une bataille résolue contre la réforme du collège ce qu’il faut continuer il n’a malheureusement pas voulu mener celle du socle alors que ces luttes sont complémentaires.

Avec la réforme de l’éducation prioritaire, s’est mis mis en place une nouvelle carte des établissements prioritaires à moyens constants, et des établissements fragiles ont été sortis de ce dispositif. De nombreuses luttes ont alors été localementmenées dans les établissements concernés mais le SNES-FSU a fort peu coordonné cette bataille et n’a pas cherché à l’élargir. Or, l’éducation prioritaire est le laboratoire de toutes les déréglementations libérales que subit l’école. Les collègues en REP+ expérimentent le management agressif des chefs qui tentent d’imposer des tâches supplémentaires pour compenser la pondération. Ainsi, au lieu d’avoir un réel allègement de service, ces collègues se retrouvent avec du travail supplémentaire…Nous avons alerté de ce danger lors du Congrès de Marseille, nous n’avons pas été entendus. Malheureusement aujourd’hui les faits nous donnent raison.

Si nous avons appelé à voter contre le rapport d’activité national c’est pour toutes ces raisons. La mobilisation réelle de notre syndicat contre la réforme du collège ne nous fait pas oublier les ratés du SNES sur les statuts, le socle et l’éducation prioritaire.

Par ailleurs, il y a deux ans nous avons voté à une écrasante majorité dans nos statuts notre volonté de « tendre vers la parité » au sein de nos instances nationales, académiques et départementales, il serait bon que dans ce congrès, un bilan des effets de ce vote soit réalisé.

Le SNES se doit donc de tenir tous les bouts pour les 2 ans à venir. Il est difficile de savoir quelle sera l’issue de tous les combats que nous menons de front : l’éducation, (réforme du collège, lycée), la Fonction Publique ( le dégel dérisoire du point d’indice – + 0,6 en juillet + 0,6 en mars – , est-il nécessaire de le dire n’est pas à la hauteur de ce que nous exigeons car il ne permet pas un véritable rattrapage du pouvoir d’achat perdu depuis 15 ans ; nous ne pouvons donc pas nous en féliciter et nous devons amplifierer ce combat ) ; enfin l’Interprofessionnelle est fondamentale car la bataille du travail, que nous la gagnions ou pas, préfigure d’autres attaques à venir et notamment la défense du statut des fonctionnaires. C’est donc avec détermination que nous nous devons de faire abroger la Loi Travail.

La période nécessite aussi de lutter sur le terrain des libertés publiques et en ce sens nous devons demander la levée immédiate de l’État d’urgence. Il est d’ailleurs plus que regrettable que nationalement ni le SNES, ni la FSU ne soient signataires de l’appel « Nous ne cderons pas » initié par la LDH, alors que partout en France, la FSU participe aux déclinaisons locales de cet appel. Il est toujours temps de signer cet appel.

Alors que Bruxelles après Paris, Bamako, Tunis ou Abidjan vient d’être touchée par des attentats aveugles et guidés par une idéologie obscurantiste et meurtrière, la question des libertés publiques est essentielle car en plus de l’État d’urgence, les lois sécuritaires pèsent aussi sur l’activité syndicale,. L’État d’urgence a servi à interdire les manifestations lors de la COP 21 et des questions de sécurité sont déjà invoquées pour ne pas autoriser La Marche des fiertés pour le dernier week-end de juin à Paris sous prétexte d’Euro de Football ; comment ferontles pouvoirs publics pour organiser les JO qu’ils et elles veulent tant? Nous nous félicitons par ailleurs de voir le SNES et la FSU s’engager de toutes leurs forces contre le projet inique emprunté au programme de l’extrême droite de déchéance de nationalité. Par ailleurs, nous n’oublions pas de condamner les bombardements aveugles et inutiles des armées occidentales qui ont déstabilisé tout le Proche Orient et mis des millions de gens sur le chemin de l’exil. Il serait normal que nous acceptions en France et en Europe ces millions d’hommes et de femmes qui ne fuient pas seulement Daech ou le tyran bachar El Assad mais aussi les bombes que leurs vendent, voire que leur jettent les pays de l’OTAN et la Russie.

Camarades, ce congrès doit montrer un SNES combatif, un SNES offensif sur tous ces sujets,Un SNES qui ne se résigne pas à quelques des miettes face à des reculs sociaux très importants., Un SNES qui joue l’unité syndicale dans la clarté, c’est à dire systématiquement avec les autres syndicats de transformation sociale, à commencer par la CGT et Solidaires. Un SNES qui se bat pour une revalorisation importante de nos salaires (300 euros pour tou-tes), un SNES qui se bat pour de nouveaux droits pour les salarié-es avec notamment la réduction du temps de travail sans perte de salaire. Un SNES qui combat la casse du code du travail et défend le statut de la Fonction Publique. Un SNES qui défend les libertés publiques et demande la levée immédiate de l’État d’Urgence. Un SNES qui se bat pour une société plus libre, plus juste, plus démocratique, réellement féministe, écologiste et autogestionnaire.

Bon congrès camarades !