Apogée et déclin (prévisible) du pétrole

Matthieu Auzanneau, avec « Or noir, la grande histoire du pétrole », s’est lancé dans une grande entreprise, raconter l’histoire de l’énergie fondamentale du 20e siècle.

Cette fresque de plus de 700 pages passe non seulement en revue les grands événements qui ont scandé le court 20e siècle mais brosse aussi les portraits de ces aventuriers à l’origine de la découverte de cette source d’énergie – je ne suis pas sûr que le nom de Kier soit connu – et des financiers sans scrupules, comme Rockefeller, qui exploiteront les découvertes des autres pour devenir millionnaires.

Le nom de Drake est plus connu qui produira du pétrole, au Texas, sur une grande échelle. La guerre de Sécession (1861-1865) permettra de faire la preuve de l’importance de cette source d’énergie. Elle sera la première guerre mécanique.

Cette histoire du pétrole s’inscrit à la fois dans celle des guerres et dans celle des crises mais aussi dans celle de la politique comme de l’impérialisme.

Il faut garantir les sources d’approvisionnement et, pour ce faire, renverser des régimes, comme celui de l’Iran au début des années 1950 qui, sous l’égide de Mohammad Mossadegh, nationalise l’industrie pétrolière détenue par les Britanniques.

Les années 1960 voient la création de l’OPEP, mais aussi du cartel des 7 grandes compagnies pétrolières – « les 7 sœurs » – qui se partagent les industries liées au pétrole. Le « choc pétrolier » n’en est pas un.

Il n’est pas à l’origine du retournement de période du capitalisme en 1974-75 qui tient à des facteurs endogènes, des contradictions internes à l’accumulation du Capital.

Il se traduit par une augmentation faramineuse du profit des grandes compagnies pétrolières. Les « pétrodollars » marqueront durablement la planète finance. Giscard proposera de les « recycler », conduisant les banques à rechercher des clients.

Elles trouveront les pays appelés aujourd’hui « émergents ». Elles seront à l’origine de la première crise de la dette en août 1982. Le Mexique en fera les frais… Les scandales seront ensuite multiples…

L’auteur termine par le déclin annoncé du pétrole qu’il faut apprécier comme un processus, un mouvement avec des contre tendances comme celles que les marchés connaissent actuellement dues à la surproduction conjoncturelle, facteur de baisse des prix. L’exploitation du gaz de schiste n’aura peut-être pas un avenir radieux…

Comme d’habitude pour ce type de livre thématique, le pétrole fait un peu trop figure de deus ex machina. Particulièrement la guerre du Golfe, la première en janvier 1991, ne peut s’expliquer uniquement par les intérêts des Bush et des autres autour du pétrole.

Il faut donc replacer la thèse de ce livre dans un ensemble plus vaste, celui de l’Histoire. Tel que, cette somme est à la fois un livre de plage – il pourrait faire l’objet de plusieurs romans – et un outil de réflexion sur notre monde. ●

Nicolas Béniès

« Or noir, la grande histoire du pétrole »,

Matthieu Auzanneau, La Découverte.