Libertés toujours

Paris et Saint-Denis ont connu des attentats tragiques et nous ne pouvons que témoigner notre profonde compassion aux personnes tombées ou frappées de près ou de loin par une telle barbarie. Plus jamais ça, être la cible du terrorisme, c’est un monstre qu’il faut abattre, et plus jamais ça, cette peur immense qui s’empare de nous, cette panique qui nous submerge, nous empêche de penser et de vivre… Evidemment, le temps de l’émotion et de la douleur n’est pas le même pour les Francilien-es et ceux qui vivent en régions. La peur est ancrée plus durablement près de Paris. Avec elle, ce besoin légitime de protection, de sécurité.

Si la peur est naturelle, elle n’en rend pas moins vulnérable. Il n’est pas très étonnant que la droite et l’extrême droite s’en saisissent pour transposer leurs visées réactionnaires et avancer leurs propositions toutes plus sécuritaires les unes que les autres. Il n’est malheureusement pas étonnant non plus que Hollande et Valls leur emboîtent le pas et ne s’insurgent pas face à de tels propos, les mettant même « à l’étude ».

Décréter l’Etat d’urgence pouvait à la rigueur répondre au temps court de l’émotion et de la traque immédiate, mais en prolonger les mesures pendant trois mois et pérenniser la procédure en proposant de modifier la constitution ne répond plus du tout à l’aspect exceptionnel de la situation. La question s’est déplacée, a glissé : la peur a été l’alibi à une décision politique qui pourrait priver l’ensemble de la population de droits collectifs, de libertés individuelles et publiques. Et comme la peur nourrit la peur, Hollande et Valls la cultivent en ponctuant tous leurs discours du mot « guerre ». Ils brandissent la guerre telle un étendard, car c’est elle qui justifie tous les crimes d’état internationaux (« faits de guerre ») et tous les méfaits actuels contre la démocratie. Au nom de la peur, ils mettent en place toute une « artillerie » qui pourra, si besoin était, mettre la population sous le joug du contrôle policier. Au nom de la peur, ils pourront alors traquer, censurer, surveiller, perquisitionner, punir. Et ces mesures répressives ne concernent pas que les présumés terroristes mais aussi l’ensemble de la population. Dix jours seulement après les attentats, les mesures sécuritaires se font jour, les perquisitions brutales se multiplient, les interdictions de manifester s’empilent et sont réprimées par un état qui risque de s’affranchir du droit et des libertés démocratiques.

L’adhésion de la population, aujourd’hui, à cet état d’exception ressort dans les sondages. La responsabilité syndicale est de faire entendre, avec les associations et autres cadres collectifs, une autre voix, celle du respect des droits et de la démocratie, pour construire l’avenir.

Les combats démocratiques sont donc plus que jamais l’affaire de la société civile : c’est à nous que revient la responsabilité de faire vivre la fraternité et la solidarité – combattre la haine ou la peur de l’autre, accueillir les réfugiés, lutter contre les stigmatisations et les discriminations, mener sans relâche toutes les luttes sociales nécessaires… C’est à nous de reprendre en main nos libertés, de les imposer, par le refus de cet état d’urgence prolongé, peut être aussi par la désobéissance s’il le faut. ●

Véronique Ponvert