Avec ou sans e (ux) : pour l’égalité !

L’action se déroule au collège Marie Curie des Lilas. En 4ème et 3ème, un partenariat ancien avec la maternité et le Kiosque des Lilas, structure municipale d’accueil et d’écoute des jeunes, permet de travailler les questions
de sexualité.

Le Kiosque a souhaité compléter ce dispositif avec une action en direction de l’ensemble des élèves de 5ème, soutenue également par la Direction de l’éducation du Conseil Général de la Seine-Saint-Denis.

En 2012, il a donc passé commande à la compagnie du grain de sel d’un spectacle de théâtre-forum sur les relations filles/garçons au collège en 5ème.

Son auteur, Aurélien Lorgnier, est venu à Marie Curie s’entretenir avec des élèves de 5ème, des enseignants, la CPE, la psychologue et l’assistante sociale pour écrire une courte saynète.

Tirée de ces entretiens, “Avec ou sans e (ux)”, interroge les méfiances et les incompréhensions entre filles et garçons, les stéréotypes, les rôles sexués et leurs influences « limitantes », en évoquant la violence verbale et physique entre élèves, l’influence du groupe sur les comportements individuels, la diffusion des valeurs « viriles » ou la stigmatisation de l’effort scolaire.

La représentation de la saynète par deux comédiens constitue le support d’un travail de théâtre-forum au cours duquel les élèves sont invités à relever dans l’histoire les comportements qu’ils aimeraient ne plus voir dans la réalité, à en proposer d’autres et à venir les incarner sur scène avec les comédiens.

Le partage de leurs représentations, des avis et des propositions entre élèves est confrontant. Il les bouscule dans leurs convictions et leur manière de faire et participe à un travail de construction de l’identité.

Ces sessions ont fait l’objet de prolongements. Par exemple, en éducation civique qui traite de la construction des identités personnelles, des préjugés, des discriminations et de l’égalité des droits.

Les élèves sont amenés à se demander comment se construisent les inéga­lités de genre, en s’appuyant, entre autre, sur le film de Céline Sciamma Tomboy, le livre de Julia Billet Petites histoires de quartier, (Océans Editions, 2010) ou la chanson de Macklemore, Same love (en interdisciplinarité avec le professeur d’anglais).

En arts plastiques, certaines classes ont réalisé de courts films d’animation sur la question des relations filles/garçons.

Les élèves ont fabriqué des décors où leurs doigts, habillés de rose ou de bleu, figurent des personnages en action : jeux de ballon, scènes de la vie quotidienne… Ces travaux, nés de l’inspiration des élèves pourront servir de matériaux de réflexion les années suivantes.

Ainsi, le projet s’attache à prévoir plusieurs interventions de nature différente tout au long de l’année où les élèves s’interrogent sur leurs représentations. Loin d’une parole normative des adultes, il s’agit de donner aux élèves des outils de réflexion pour l’avenir. ●

Céline Boudie,

Aurélien Lorgnier

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**Paroles d’élèves

Les élèves de trois classes ont été conviés à rédiger un texte sur le spectacle. Deux éléments ressortent de la synthèse de ces écrits : l’humour et la vraisemblance : « on croyait voir des enfants de 12 ans ! ».

L’interactivité de la représentation a aussi fait l’unanimité. Qu’on les place dans une posture d’experts en matière de relations filles/garçons, a incité les élèves à venir exprimer une pensé́e individuelle.

« Les acteurs mettaient les élèves dans des positions difficiles » : en effet, le but é́tait de confronter chacun à des situations complexes.

Mais monter sur scè̀ne n’a pas constitué la seule modalité de participation : de nombreux élèves ont réfléchi et pris la parole depuis leur place : « Moi, j’avais très peur, mais j’avais beaucoup d’idées ».

Inversement, « les comédiens ne savaient pas ce que les élèves diraient, ils devaient donc s’adapter à ce que nous disions… ». Au final, ce qui a pu séduire, c’est aussi le fait qu’ils ont partagé avec les comédiens cette prise de risque.

Le réalisme de la pièce fait émerger l’é́tat des relations filles/garçons dans le collège : « Les garçons embêtent souvent les filles » ; «…les relations garçons filles ne sont pas faciles.

Les filles et les garçons… ne prennent pas le temps de s’écouter et je trouve que ce n’est pas une bonne chose… On ne fait que se traiter de bâtard et de PD dans la cour ».

La pièce a agi comme un miroir mais la mise à distance, par la « représentation », a permis à beaucoup d’élèves de formuler un jugement sur leurs comportements et ceux de leurs pairs.

Quelques uns ont aussi noté que l’on pouvait jouer le rôle d’un personnage du sexe opposé ; filles et garçons se sont prêtés au jeu du changement de sexe. Cette prise de conscience engage un processus de déplacement.

« La pièce aide à réfléchir avant de se lancer dans une bagarre ou de s’insulter »

« Grâce à la parole il est possible d’éviter les malentendus et de résoudre les conflits ».)]