L’Union européenne, un nouvel objet politique

Des élections au Parlement européen ont eux lieu en mai.

N’est-il qu’un parlement croupion ou possède-t-il de réels pouvoirs ?

Comment tendre vers la démocratisation des décisions européennes ?

Le traité de Lisbonne a notablement étendu la procédure de codécision entre le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne, introduite dans le traité de Maastricht.

Elle couvre aujourd’hui de très nombreux domaines. En restent cependant exclus des domaines importants comme la fiscalité, le marché intérieur, les tarifs douaniers, une partie de la politique sociale, les recettes du budget européen, pour lesquels le Conseil décide seul, et la politique monétaire, qui est du seul ressort de la BCE.

Dans la pratique, le Parlement européen peut bloquer une directive en cas de désaccord avec le Conseil. Enfin, il élit le président de la Commission, le choix de ses autres membres étant soumis à son approbation, et il peut censurer la Commission qui doit alors démissionner.

La comparaison entre le Parlement européen et le Parlement français n’est pas nécessairement à l’avantage de ce dernier. Ni l’un ni l’autre n’ont l’initiative des lois et, dans le cas français, l’utilisation d’une niche parlementaire pour présenter une proposition de loi n’a de chance d’aboutir qu’avec l’accord du gouvernement.

Si le Parlement français peut théoriquement bloquer un projet de loi du gouvernement, dans la pratique, les parlementaires de la majorité sont soumis à une logique institutionnelle qui les rend, in fine, solidaires du gouvernement.

**La faiblesse démocratique du Parlement Européen

Il est indéniable que l’accroissement du rôle du Parlement européen constitue un progrès démocratique. Cependant, ce progrès reste modeste.

Il est tout d’abord miné par la faible légitimité populaire de cette institution, dont témoigne le très faible taux de participation aux élections européennes. Mais, surtout, outre le fait que des domaines importants lui échappent, son rôle est encadré, d’une part, par les traités qui relèvent des États et sur le contenu desquels il ne peut se prononcer et, d’autre part, par la Cour de Justice de l’Union Européenne, qui les interprète et donc crée du droit nouveau.

Au-delà de sa composition politique, aujourd’hui dominée par les libéraux-conservateurs et les socio-libéraux, ses marges de manœuvre sont donc faibles.

L’Union Européenne connaît donc un grave « déficit démocratique », qui trouve son répondant dans le fonctionnement des États-nation. L’UE n’est pas une entité extérieure qui impose aux États les politiques qu’ils doivent mener, ni les traités européens et autres directives.

Rien ne s’est fait dans l’Union européenne contre les États et ce sont eux qui en ont fait ce qu’elle est. Cela n’a pu arriver que parce que la souveraineté populaire a été bafouée aussi dans le cadre national.

Rappelons-nous l’épisode du TCE. C’est le point commun de tous les souverainistes de surestimer le fonctionnement démocratique des États-nation, de méconnaître les transformations profondes que ces derniers ont subies avec la mondialisation et de ne pas voir qu’ils sont dominés par une oligarchie politique, administrative et financière acquise au néolibéralisme.

**Penser autrement
fédéralisme et États-nation

L’Union européenne articule mal aujourd’hui des éléments de fédéralisme – par exemple la BCE – et le maintien des États-nation. Ce mode d’organisation peut être fécond pour l’avenir à condition d’en changer le contenu et de le démocratiser radicalement.

Paradoxalement, les souverainistes et les fédéralistes partagent, au fond, la même conception de l’Europe. Les souverainistes expliquent que le projet européen est irréaliste parce qu’il n’y a pas de nation européenne.

Cette argumentation rejoint ainsi celles des fédéralistes qui font de l’Europe la simple transposition à une échelle continentale de l’État-nation unifié. Cette approche « unitariste » du cadre politique passe à côté d’un fait historique nouveau : la construction en Europe d’un nouvel objet politique qui, quoi qu’on pense de sa légitimité, n’est pas le décalque de l’État-nation et ne le fait pas disparaître.

Il faut donc que l’Europe avance sur deux pieds : Europe des peuples, donc des États, et Europe des citoyens, avec des éléments de fédéralisme.

C’est cette articulation qu’il faut construire de façon démocratique, à la fois au niveau national et européen. La condition en est une refonte radicale des traités européens pour que ceux-ci ne soient plus fondés sur la libre concurrence, la liberté de prestation de service et le monétarisme qui aboutissent à exclure du débat public et de la décision citoyenne les politiques économiques et monétaires. ●

Pierre Khalfa