Le périscolaire n’est pas une recette miracle contre les inégalités sociales

Les enseignants du premier degré sont fortement déstabilisés par la persistance des inégalités scolaires.

Or, la réforme Peillon sur les rythmes scolaires présuppose que les inégalités de réussite scolaire peuvent être résolues hors de l’école ; ce qui est évidemment encore plus déstabilisant.

Quelles pistes pour réimpulser une dynamique collective ?

La question principale soulevée par la réforme Peillon des rythmes scolaires, hors conditions de travail des enseignants, est l’articulation scolaire – périscolaire.

Depuis longtemps existent des activités, autour de l’école, complémentaires, organisées par les mairies, par des associations d’éducation populaire ou autre. L’esprit de la loi est de lier les activités scolaires et périscolaires en prenant en compte les différents aspects des temps de l’enfant sur la semaine.

C’est à travers les Projets éducatifs de territoire de Peillon (PEDT) que cette articulation doit être pensée. Celui-ci « contribue à la lutte contre les inégalités scolaires en mettant en place des actions répondant à des besoins identifiés au niveau de chaque territoire ».

C’est bien là le nœud !… et cela pose des questions auxquelles il nous faudra bien répondre.

Très clairement le Ministre reprend à son compte ce qui relève de l’évidence : les inégalités scolaires sont très fortement corrélées aux inégalités sociales.

Pour tous les progressistes, il faut que l’école prenne en compte ces élèves qui, ne connaissant pas les codes scolaires, ne peuvent entrer dans les apprentissages. Elle doit résoudre les difficultés qu’elle éprouve à donner un bagage solide et ambitieux à tou-te-s.

Or, dire que le PEDT permet de lutter contre les inégalités scolaires, c’est renvoyer une partie de la réussite scolaire non seulement au hors scolaire, mais au local. Pour éviter d’introduire de nouvelles inégalités, il faudrait au minimum créer un service public de l’éducation populaire.

De plus, si les actions complémentaires contribuent fortement à l’éducation et au développement des enfants, l’école doit rester son propre recours.

**Le droit à la paresse

La deuxième question à se poser est celle de l’activité en elle-même. Qu’est-ce qui montre qu’un enfant est en activité, qu’il est en train d’apprendre, de structurer sa pensée ?

Certainement pas le fait qu’il soit, ou non, en mouvement, qu’il pratique, ou non, une activité structurée. On sait bien que deux enfants menant la même tâche n’en tireront pas le même bénéfice : l’un sera centré sur la tâche à accomplir, l’autre sur le processus qui lui permet de l’accomplir, ce qui est évidemment très différent.

Ce n’est donc pas en accumulant des temps d’activités, même les mieux construites qu’on permettra une meilleure réussite scolaire. On peut même penser que n’avoir rien à faire oblige les enfants à faire preuve d’inventivité et de créativité.

Enfin, et comme tous, les enfants ont aussi le droit de ne pas être encadrés 24 heures sur 24.

**Une vue globale, globalisante, totalisante ?

Troisième point, s’il est évident que des liens doivent se tisser entre les différents intervenants autour des mêmes élèves, s’il est évident que les structures d’accueil, d’éducation, de loisir, d’apprentissage ont tout intérêt à se connaître, se parler, voire travailler ensemble, il n’est pas sûr que de passer d’une activité à l’autre sans s’en rendre compte soit très structurant pour l’enfant.

Autrement dit, si certain-e-s réussissent le violon, l’équitation, l’école… c’est bien parce qu’ils-elles savent faire la différence entre chaque activité même si les intervenant-es n’ont pas les mêmes projets, les mêmes objectifs, la même formation.

Une fois de plus, c’est la distance que les enfants de milieux sociaux favorisés savent prendre par rapport à la tâche qui crée l’inégalité, parce qu’ils profiteront de la diversité des temps qui leur seront proposés.

Nul besoin pour autant d’imaginer un parcours éducatif dans lequel tout aurait le même but et le même sens. Cette solution serait totalisante et elle a de quoi faire frémir.

Une réforme réussie des temps de l’enfant doit donc tenir compte de plusieurs éléments : la réussite scolaire doit dépendre de l’école parce que celle-ci est, pour l’instant, le seul service public présent sur tout le territoire avec des moyens insuffisants, encore trop inégalitairesmais comparables.

Les différents temps de l’enfant doivent être clairement identifiés et identifiables par les partenaires et par les enfants eux-mêmes. Enfin, il faudrait profiter d’une réforme des rythmes scolaires pour ménager de larges temps de repos, de liberté…

C’est autour de ces éléments que doivent pouvoir travailler ensemble les différents acteurs, pas forcément autour d’un projet commun, mais de projets cohérents qui visent à ce que cesse enfin la reproduction insupportable des inégalités. ●

Jérôme Falicon