Et le métier dans tout ça?

Le 26 avril, devant le Sénat, Luc Chatel se félicitait du bilan d’une réforme
qui permettait de « conforter l’autorité du savoir » et de s’inscrire dans le cadre européen.
A l’exact opposé, la réalité du terrain est la disparition de la formation, des stagiaires
livrés à eux-mêmes et la destruction du métier.

La circulaire du 19 mai trace les grandes lignes de la formation des enseignants l’an prochain. Les objectifs sont consolidés. Le cadrage national de la formation est inexistant : les consignes sont toujours assorties d’expressions prudentes : « dans la mesure du possible », « vous vous emploierez », « de préférence », « souhaitables ». Bref, vous (les recteurs) allez faire comme vous pouvez, avec les moyens du bord !
Les stages en Master sont considérés comme un élément de la formation professionnelle, l’année de stage n’est qu’un complément et la formation y est réduite à la portion congrue. Elle se compose d’un tutorat et de périodes de formation filée et groupée d’une à deux semaines. La formation des tuteurs se résume à une réunion « souhaitable » et un livret. Dans les premières semaines seront constitués des binômes TZR/stagiaires. On sait déjà que c’est impossible, mais ils persistent !

Cette formation a pour objectif de fabriquer de « bons petits soldats » de la réforme de l’école : socle commun, orientation, réforme des lycées. Mais elle est censée aussi favoriser les échanges de pratiques professionnelles et le travail collectif avec les équipes. Avec un temps complet, des préparations de cours, des corrections, des journées de « formation » ! A cela s’ajoutent deux certifications européennes pour valider le concours : la maîtrise des langues étrangères (CLES) et de l’outil informatique (C2I). Pour l’instant le ministère refuse tout moratoire alors que les universités ne sont pas en mesure de délivrer des formations pour ces certifications.

Formation ?

Les stagiaires bénéficieront d’une période d’accueil de 5 jours dans la dernière semaine du mois d’août. Une journée d’accueil institutionnel permettra de faire passer la bonne parole sur les réformes en cours et les expérimentations (E-CLAIR). Les journées suivantes se feront sous forme de regroupements disciplinaires et seront l’occasion d’entretiens individualisés pour définir les besoins en formation de chaque stagiaire et ainsi « personnaliser » leur formation.

La grande vedette de cette année de stage est « la tenue de classe ». On la retrouve partout : pendant les journées d’accueil, dans les premières semaines avec le binôme TZR/stagiaire, lors des formations filées. Les stagiaires ont même accès à des ressources en ligne sur le site du ministère(1)… sous forme de vidéos extrêmement instructives idéologiquement, par exemple « l’autorité, c’est le pouvoir » !
Le ministère espère peut-être ainsi offrir les outils nécessaires aux stagiaires qui pourront désormais être affectés dans les établissements difficiles.
Eclatement du cadre national, individualisation, formation aux réformes en cours, autorité et gestion de classe en lieu et place de la pédagogie : et le métier dans tout ça ?

Cette circulaire empire la situation déjà catastrophique imposée aux stagiaires cette année. En réponse, le SNES a participé à la journée d’action du 11 mai pour relancer la campagne de refus du tutorat et a lancé une pétition pour un moratoire(2) sur les certifications.

Pour l’Ecole Emancipée, ces actions ne répondent ni à l’urgence, ni à la hauteur du combat à mener. La fédération doit être le cadre minimum de notre action et cela impose aux syndicats nationaux de dépasser leurs divisions et de sortir la FSU de sa paralysie. ●

Céline Boudié (SNES)

1) Voir l’espace en ligne sur le site du ministère
de l’Education Nationale « tenue de classe,
la classe côté professeur » ou http://www.cndp.fr/tenue-de-classe/

2) Pour signer la pétition pour un moratoire : http://www.moratoireclesc2i.org/