Des postes, oui mais combien ?

Le changement voulu par le Président se traduit dans l’éducation par une mesure emblématique : la création annoncée de 60 000 postes après des destructions continues depuis bon nombre d’années. Premier bémol, il ne s’agit pas de réelles créations, mais de redéploiements à l’intérieur des fonctions publiques. Deuxième problème, la LOLF, mise en place en 2001, censée rendre les budgets publics plus transparents. Entre masse salariale, plafond d’emplois et équivalents temps plein (ETPT), il est extrêmement difficile de s’y retrouver.

2007 – 2012 : l’hémorragie

Entre ces deux dates, pas de contestation, le nombre d’emplois dévolus à l’éducation (Education nationale et enseignement agricole) a diminué de façon drastique (voir graphique). La comparaison des lois de finances indique -15 698 ETPT dans le premier degré, -26 404 dans le second degré et -3 341 dans l’enseignement technique agricole. Au total, c’est 119 762 postes qui ont été perdus (soit 11 % de l’effectif). L’enseignement privé a quant à lui, perdu 519 postes (même pas 0,5 % !). Pour être tout à fait honnête, il faut considérer que, dans le même temps, un grand nombre de personnels ATOSS a quitté le budget de l’Etat pour être transféré dans celui des collectivités territoriales, il est donc bien difficile de faire des comparaisons pour ceux-ci… Dernier point de ce rapide balayage de cinq ans de Sarkozysme : le nombre de postes de stagiaires était de 26 432 en 2007. En 2012, ils sont comptabilisés dans la masse des autres postes, puisqu’ils ne sont plus dans un établissement de formation.

Rattrapage ?

C’est dans la loi d’orientation et de programmation que l’on trouve la déclinaison des fameux 60 000 postes promis par François Hollande, qui, soit dit en passant, seront dévolus aussi bien au public qu’au privé. Après passage à l’Assemblée en deuxième lecture, surprise : les 54 000 postes promis à l’Education nationale sont bien déclinés mais ceux de l’enseignement agricole ne sont plus chiffrés et ceux de l’enseignement supérieur sont renvoyés à la loi ad hoc. Sur les 54 000 on trouve donc bien les 26 000 stagiaires, ce qui nous fait revenir approximativement au niveau de 2007. On trouve aussi 1 000 autres postes pour la formation et 6 000 dans lesquels sont regroupés l’ensemble des postes non enseignants qui vont des emplois administratifs aux CPE en passant par les AVS sous statut précaire. Restent donc 21 000 postes d’enseignants dont 3 000 pour la scolarisation des moins de 3 ans, 7 000 pour le « renforcement de l’encadrement dans les zones difficiles » (dont le « plus de maîtres que de classes »), 4 000 pour les « collèges en difficulté et lycées professionnels : lutte contre le décrochage » et enfin 7 000 (4 000 premier degré et 3 000 second degré) pour « l’amélioration de l’équité territoriale inter académique » soit la démographie et le rattrapage. Dans son bilan de la première année de « refondation »(1), Vincent Peillon se réjouit des postes déjà créés : 4 500 pour 2012 et 9 000 pour 2013. Et de décliner pour 2012 : 1 000 profs d’école, 2 000 assistants d’éducation, 100 CPE, 500 adjoints de prévention et de sécurité et 1 500 AVS. Ce qui, en plus de poser un petit problème d’arithmétique, montre que les postes créés sont en grande majorité des postes précaires pour un personnel précaire !

Et la démographie…

Sur le graphique ci-contre, on voit que le nombre de naissances enregistrées en France, après un creux de 2002 à 2004, s’est fortement redressé à partir de 2005. Les premiers sont déjà à l’école élémentaire. C’est une vague d’environ 30 000 élèves supplémentaires aujourd’hui au CP qu’il va falloir absorber au moins pendant 7 ans, soit au minimum 1 500 enseignants supplémentaires par an pour ne pas trop dégrader le taux d’encadrement. Celui-ci est passé dans le primaire de 17,42 élèves par enseignant en 2007 à 18,50 cette année. Les mesures Peillon – tout compris – ne ramèneraient pas ce taux à son niveau de 2007. On voit donc bien que la priorité à l’éducation, si elle est affichée, n’entrera que bien partiellement dans les faits. ●

Jérôme Falicon