Contribution de l’ÉÉ à l’entrée du CDFN (Septembre 2013)

Au début de l’été, sur fond d’annonce de la réforme des retraites (et dans le plus grand flou quant au contenu réel des mesures), s’est tenue la deuxième conférence sociale de ce gouvernement
La première, en 2012, avait débouché sur le pacte de compétitivité, et donné lieu, quelques mois plus tard, à l’ANI.
Celle de 2013 a eu pour maître mot la réduction du “coût du travail”, et a confirmé l’avènement d’une nouvelle espèce de président : le président des patrons….

Moscovici a suivi assidûment l’université d’été du MEDEF, et il a rassuré le patronat : le gouvernement a bel et bien choisi son camp, celui des entreprises.
Hollande claironne sur le retour de la croissance, et il table pour cela sur la “compétitivité” des entreprises, dont on sait qu’il ne la conçoit que sous l’angle de la baisse de la masse salariale.
Les cadeaux alloués aux entreprises se multiplient, des exonérations de cotisations patronales aux compensations consenties… Le CICE, “crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi” est mis en place “sans contrôle ni contrepartie”, dixit Le Monde du 16 septembre… alors que la Cour des comptes elle-même critique vivement le Crédit Impôt Recherche, plus grosse niche fiscale.
On connaît la suite : les entreprises françaises sont en Europe celles qui versent les plus gros dividendes à leurs actionnaires, lesquels se félicitent de l’embellie comme le souligne Les Echos : “Les entreprises du CAC 40 vont redistribuer la moitié de leurs profits aux actionnaires : 39,9 milliards d’euros de dividendes devraient ainsi être versés en 2014 au titre de l’exercice 2013. Un chiffre en croissance de 5 %, selon les estimations de FactSet.”
Quand on voit que dans le trio de tête des entreprises qui payent bien leurs actionnaires se trouve Sanofi qui a bénéficié des crédits d’impôt et ferme quand même ses sites en licenciant des milliers de salarié-es, on mesure combien le discours sur la sacrosainte compétitivité est une imposture, et la politique qui consiste à faire des cadeaux au patronat un choix de classe. Tous les médias relèvent le fait que la “réforme” des retraites mettra essentiellement à contribution les salarié-es, contraints, en plus des mesures qui les pénalisent déjà (hausse des cotisations, allongement de la durée…) de compenser l’allègement de cotisations de la branche famille, consenti par le gouvernement aux entreprises… Les jeunes, les femmes et les retraité-es en paieront une note particulièrement salée.

**Loi de Finance 2014

Le projet de budget 2014 s’inscrit dans la même logique : 9 milliards de coupes pour les 3 fonctions publiques déjà éreintées, 5 milliards dans le budget de la sécu…
Le tout aux frais des ménages, qui plus est avec relèvement de l’impôt le plus injuste qui est la TVA. Les entreprises sont une nouvelle fois épargnées.
Car de “pause fiscale”, il n’en est pas question pour les classes moyennes et populaires qui ne perçoivent plus le sens citoyen de l’impôt tant l’injustice sociale est criante. La “révolution” fiscale n’aura pas lieu, pas plus que la lutte contre la fraude ou l’évasion fiscale, la “réforme” fiscale promise par Hollande ne fera-t-elle qu’entériner encore davantage les inégalités croissantes de notre société ?

**Une société en souffrance


Les maux qui nous accablent sont divers, mais révélateurs de la mauvaise santé de notre société, et tout comme ses conséquences, ils sont redoutables.
Une société malade du chômage de masse, de la pauvreté et de la précarité. Malade de la peur, de l’autre, de l’avenir, malade du manque de confiance en la justice, en la politique, malade de la résignation à l’ordre économique… cette société verse dans des écueils que nous connaissons bien, sans que nous parvenions à les contrer : aveuglement productiviste et fuite en avant vers toujours plus de technologie destructrice de la nature, réductrice d’humanité et menaçante pour la vie même, perte des valeurs collectives, éloignement des fondements démocratiques, survalorisation de la sécurité, repli individualiste et identitaire, tentations xénophobes et réactionnaires.
Le Front National est une menace à prendre au sérieux dans ce contexte : il sait rassembler les forces plurielles d’une extrême droite qui se nourrit de théories fascistes, et qui instrumentalise la laïcité en l’orientant contre l’islam ; il parvient à capter une population ouvrière à l’aide d’un discours social qui peut faire illusion auprès de certains : discours social que n’affiche même plus le parti au pouvoir prétendument de gauche…
La montée de l’extrême droite est une réalité partout en Europe : il serait temps d’inverser les politiques menées pour changer la donne. Dans ce contexte, le stage intersyndical, « lutter contre les idées d’extrême droite » proposé par le FSU relève d’une extrême importance. En France, les déclarations décomplexées de Valls et des « élus » de droite sur la présence des Roms n’ont fait qu’augmenter la stigmatisation dont ils sont déjà victimes, et ont banalisé le racisme de façon générale.
Les évacuations se multiplient, l’accès aux droits (santé, logement, travail, scolarisation) relève d’un parcours du combattant quand il n’est pas simplement bafoué. En parallèle, on continue à enfermer et expulser des familles et des jeunes majeurs sans papiers, et à réduire le droit d’Asile à peau de chagrin, jusqu’à le refuser aux Syriens.

**Allégeance


Mais l’Europe, aujourd’hui, c’est l’austérité. La politique conduite par le gouvernement Ayrault s’inscrit dans le cadre contraint imposé par l’UE, auquel il a fait allégeance en ratifiant le TSCG l’an passé.
De cette adhésion politique assumée au néolibéralisme découlent des méfaits prévisibles : réduction imposée des dépenses publiques, réformes obligatoires de la protection sociale, mesures à même de rassurer les marchés et d’épargner les puissants… et tant pis pour le peuple !
La pauvreté augmente partout en Europe. Oxfam tire la sonnette d’alarme : “Si les mesures d’austérité se poursuivaient en Europe, 15 à 25 millions de personnes supplémentaires pourraient se retrouver en situation de pauvreté en 2015.”
Le 18 septembre dernier, les Grecs étaient une nouvelle fois en grève : la troïka impose de nouvelles coupes budgétaires qui visent, comme au Portugal, la suppression de milliers de fonctionnaires…

**Fonction Publique


Alors que la loi sur le statut de la FP- présenté par le ministère comme un coup de pouce pour réaffirmer sa légitimité- poursuit son parcours législatif, ce même ministère maltraite ses agents en maintenant le gel du point d’indice et en refusant l’ouverture immédiate de négociations des grilles indiciaires, en continuant des suppressions de postes (- 3209 postes au budget 2014), la diffusion de méthodes managériales destructrices.
Sur le pouvoir d’achat et les salaires dans la FP, la FSU devra mener la bataille au sein de l’intersyndicale pour qu’une journée d’action ait lieu rapidement dans le but d’imposer des négociations. Il ne faut pas exclure comme forme d’action unitaire, la grève.
Le projet de loi actuel sur les retraites que la FSU rejette dans sa globalité prétend résoudre les inégalités les plus criantes, mais il renforce le principal mécanisme créateur d’injustices qu’est la décote en allongeant la durée de cotisation. Les mesures “d’équité” envisagées laissent pour l’essentiel systématiquement de côté les fonctionnaires sans que l’on sache où et quand pourront être discutés ces points. Il n’y a que pour les reculs que le texte pense bien à impliquer les fonctionnaires.
Le chantier sur les RPS avance et devrait déboucher sur des mesures de prévention salutaires. Hélas, cette volonté est contredite chaque jour du fait notamment de l’absence de créations de postes entérinant des conditions de travail extrêmement dégradées qui mettent en souffrance de très nombreux agents. Dans les universités, le coût des décharges pour les membres des CHSCT devrait être supporté par les établissements, déjà exsangues..

**Education : ministère prioritaire ?


Première “vraie” rentrée pour Peillon… Une rentrée polarisée sur la question des rythmes, le grand bricolage et surtout les inégalités criantes que cela engendre.
Une première aussi pour la formation des enseignant-es, censée faire peau neuve après le sort tragique qui lui a été fait sous Sarkozy : création des ESPE, dans la plus grande précipitation, dans lesquelles se côtoient des étudiant-es au “statut”, au niveau d’étude, au temps de travail différents.
Pour le reste, cette rentrée n’a pas convaincu : pas assez de postes pour que la mesure ait des des effets tangibles, pas de moyens à la hauteur des priorités annoncées dans le primaire, pas de suppression des mesures contestées (note de vie scolaire, Eclair), pas de rupture avec la ligne politique antérieure (maintien du SMA…). La loi Peillon se met en place : le spectre de l’école du socle est bien présent (cycles et conseil école-collège), ainsi que le bloc “bac -3, bac+3”. Peillon confirme un projet éducatif qui coupe la population scolaire en deux et en cantonne une partie à la seule acquisition du socle.
Dans les semaines à venir, les chantiers ouverts par Peillon (l’éducation prioritaire et le chantier “métier” en particulier) seront lourds de conséquences et vont concerner toute la profession : n’en doutons pas, le projet éducatif n’est pas le nôtre, et les menaces sur le statut et les missions sont réelles.
Il faut dès maintenant construire la mobilisation pour que la profession s’engage dans un rapport de forces inévitable avec Peillon le moment venu. Déjà, la situation en éducation prioritaire n’est plus tenable et a motivé un mouvement de grève suivi dans le 93. Les demi-journées banalisées pour la préparation des Assises, fourniront une occasion supplémentaire de mobiliser les collègues, la FSU devra y être très présente. Dans le supérieur, les mesures de restriction budgétaire se multiplient (« gels » de postes, suppression de formations et réduction des volumes horaires, etc.). La loi du 22 juillet, qui prolonge et aggrave sur certains points la LRU, entre progressivement en application, sans que les projets des nombreux décrets d’application soient connus.
Seul a été diffusé un projet de « cadre national des formations » placé sous le mot d’ordre de l’insertion professionnelle et des « compétences », et comportant une nomenclature d’intitulés de licences et masters critiquable car établie sans concertation.

**Affrontement


En effet, sur de nombreux dossiers, pour peser sur les choix politiques, il faudra aller à l’affrontement : sur la question des salaires, sur l’emploi, sur la protection sociale et la fiscalité, nous ne pouvons approuver les orientations du gouvernement.
Pour cela, il nous faut construire des rapports de forces et travailler au rassemblement des salariés. La grève du 10 septembre a eu le mérite d’exister et de montrer une première résistance. La mobilisation a été difficile à bien des égards : date trop proche de la rentrée, dossier déminé de façon très partielle – mais habile ! – par le gouvernement, manque d’unité syndicale, manque de perspectives politiques…
La journée n’a pas fait le plein, mais elle a tout de même permis de poser les jalons d’une opposition résolue au libéralisme et aux politiques d’austérité induites par la soumission à la finance… Que faire à présent de cette première mobilisation ?
Ne lui donner aucune suite la viderait de son sens : les organisations syndicales ont là une responsabilité particulière et doivent entretenir, alimenter la mobilisation, poursuivre la campagne d’information et de conviction (au cours de meetings, de réunions publiques…) et être au plus près des personnels pour que leur mécontentement d’aujourd’hui ne se transforme pas en désespoir, mais qu’il débouche, au contraire, sur un véritable mouvement social qui sera de nature à infléchir les politiques en cours.
Avec le passage du projet de loi au Parlement, il ne faut s’interdire, dans les semaines qui viennent, aucune forme d’action, mais au contraire porter la nécessité de nouveaux rendez-vous de grèves et de manifestations unitaires et interprofessionnelles pour faire pièce à toutes les mesures antisociales de ce gouvernement.

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