Avidité, marché, austérité…

La journée du 10 septembre sur les retraites a donné le signal de la rentrée sociale.

Certes, il n’y avait pas (encore) dans les rues les puissantes vagues de manifestant-es que notre pays peut connaître mais la contestation de cette réforme était visible, et, au-delà, une défiance de plus en plus grande par rapport à un gouvernement qui n’en finit pas de proclamer les bienfaits d’une austérité « de gauche ».


Le capitalisme financier est en train de digérer la crise de 2008, les profits ont repris, les ventes d’armes aussi. Pour les peuples confrontés à des difficultés économiques quotidiennes, cela reste insupportable, particulièrement pour les plus démunis, touchés de plein fouet par la suppression de services publics ou l’amputation des systèmes de protection sociale. Peut-on se satisfaire aujourd’hui de ne pas être Grec, Espagnol ou Roumain ? Peut-on se résigner à attendre le dos rond de nouvelles attaques ?

En France, le MEDEF n’hésite pas à voir dans la crise mondiale une « opportunité »… pour faire davantage pression sur les salarié-es, les jeunes, les chômeurs par un sous-emploi de masse et pour bafouer leurs droits. Et le bien surnommé « président des patrons » continue de lui donner raison, de renoncements en promesses non tenues, de lois en lois, profitant de la division des forces syndicales et de leur atonie persistante.

C’était déjà le cas avec l’Accord National Interprofessionnel, les remises en cause du code du Travail, le refus de sanctionner les entreprises qui licencient en faisant des profits, la complaisance de fait à l’évasion fiscale…

C’est encore illustré avec la poursuite de la réforme Fillon sur les retraites, les faux-arguments assénés en boucle sur l’allongement de la vie et donc l’allongement des cotisations ou le risque de faillite du système par répartition, pour entretenir une peur populaire très salutaire… au profit des fonds de pensions. Or, on le sait, ce qui met en péril le droit à la retraite des générations qui montent, c’est l’accès de plus en plus tardif à un emploi stable, ce sont les périodes de chômage, ce sont les salaires insuffisants.

Cela se traduit aussi dans le projet de budget 2014, amputant toujours plus les services publics au nom d’une rigueur budgétaire infligée à la population… mais pas à ses élites, bien sûr. Car c’est aussi là que le bât blesse, et c’est sur ce terreau que pourra continuer à prospérer le vote Front national. L’affaire Cahuzac n’était pas qu’une erreur de casting gouvernemental et elle a contribué à marquer le paysage politique. Les choix assumés par le tandem Hollande/Ayrault, soutenus sans faille par leur majorité parlementaire, contribuent largement à brouiller l’idée d’égalité ou de fraternité républicaines.

Liberté, Égalité, Fraternité… ne riment pas avec avidité, marché ou austérité, n’en déplaise à Vincent Peillon qui joue l’affichage de sa charte de laïcité lors d’une rentrée des classes marquée par les inégalités et la montée de la pauvreté. L’expression même de « morale laïque » traduit bien plus une volonté de « moraliser » que d’imposer une laïcité constitutionnelle battue en brèche par ceux-là même qui nous gouvernent. Pas de remise en cause du concordat et du statut particulier d’Alsace-Moselle, pas de refus du financement public d’écoles confessionnelles dans cette charte-là, réservée au seul enseignement public !

David contre Goliath ?

Qu’est-ce qui freine autant, et partout, les peuples dans la lutte contre les oligarques au pouvoir ? Qu’est-ce qui fait qu’une élite de plus en plus réduite détienne les rênes du pouvoir économique de la planète entière, faisant fi du bien commun et de l’avenir collectif ? Le néolibéralisme œuvre efficacement à mettre les populations, les salarié-es en concurrence, à promouvoir avidité et propriété pour quelques-uns contre loi du marché et austérité pour tous. Cela n’est pas inéluctable et partout, même dans des périodes bien difficiles, des militant-es, des citoyen-nes, résistent, cherchent à construire ensemble et à renverser le Goliath mondial.

N’avoir qu’une fronde peut-être, mais taper juste…

Isabelle Sargeni-Chetaud