Laurent Cadreils : Le syndicalisme dans la période

Nous traversons une période complexe et chaotique. Ne nous cachons pas que les militant-es syndicaux que nous sommes espérons des jours meilleurs.
Le libéralisme est triomphant ou en tout cas s’affiche ainsi, tout en recourant de plus en plus à des mesures autoritaires pour s’imposer. Et l’alternative à construire pour sortir de cette situation n’est pour l’instant que peu visible aussi bien en France qu’à une échelle internationale. Le fascisme, les partis réactionnaires et xénophobes avancent partout en surfant sur les colères légitimes engendrées par les inégalités croissantes, et tentent de se construire une image d’opposition au libéralisme. Opposition dont nous savons, nous, qu’elle n’est qu’un leurre. L’’extrême droite au pouvoir au Brésil, en Italie, en Hongrie, en Turquie en Israël, mais aussi aux États-Unis ou en Russie n’est pas le fruit du néant. Elle s’est nourrie des renoncements à changer la société en particulier par celles et ceux qui devaient justement incarner ce changement.

Le mouvement du 17 novembre est à lire à cette aune. Il est la résultante d’une colère sourde des sans voix qui vivent dans la hausse du prix du carburant une nouvelle attaque contre leur pouvoir d’achat. Et c’est le cas. Car lorsque le gouvernement parle d’une politique écologique, il ment. Taxer le gasoil alors que les grandes entreprises continuent de polluer, que le kérosène n’est pas concerné, que les plus riches peuvent continuer à se payer des yachts et de grosses voitures. Alors, il n’est évidemment pas question d’appeler au 17, instrumentalisé par l’extrême droite mais nous devons être conscient-es que nos collègues aussi, en particulier lorsqu’ils sont contraints de prendre leur voiture, vivent cette taxation comme une injustice de plus.
Nous devons acter qu’il nous faut faire naitre un nouvel espoir pour ne pas laisser le monde, et en particulier les classes populaires, doucement sombrer dans la nuit. Car il n’est pas loin d’être minuit dans le siècle.

Et alors, me direz-vous, quel est le rapport avec notre syndicalisme de métier ?
Il est dans la nécessité de porter l’espoir, encore plus lorsque sur le terrain politique la gauche est exsangue, qu’elle ne dépasse pas les 30 % dans les intentions de vote.
Il est dans la nécessité de démontrer que le système porte en lui les germes de cette lente dérive, que le capitalisme cherche à capter toujours plus les richesses au détriment des plus faibles, tout en pillant les ressources naturelles. Démontrer que cette même logique destructrice, on la retrouve derrière les attaques contre les services publics et la Fonction Publique, derrière les attaques contre la protection sociale, derrière la stigmatisation des plus fragiles, derrière l’école à deux vitesses qui se profile.
Construire avec opiniâtreté et pédagogie un discours qui donne à voir que d’autres choix sont possibles, qui donne à voir que la conscience collective s’élève lorsque nous construisons du collectif, que nous sommes les porteuses et porteurs de valeur d’une école de la justice sociale.

Pour cela, dans la période nous tentons de construire ensemble. En voyant les difficultés.
La mobilisation contre les évaluations nationales, la journée du 9 octobre, celle du 12 novembre, les suites nécessaires sur la Fonction Publique, la bataille des retraites, mais également les mobilisations féministes, antiracistes, sont des étapes nécessaires, qui n’embarquent pas suffisamment la profession pour le moment mais qui ont le mérite de montrer le sens de la dynamique à construire, de faire germer l’idée qu’il faut rejoindre les mobilisations sociales, la lutte pour une école et une société plus juste.