Antoine Chauvel : faire de la lutte antiraciste un enjeu syndical

Où se situent les clivages dans la société ? Pour le gouvernement, qui présentera son projet de loi sur le séparatisme en Octobre, ils se situent indubitablement du côté des musulmanes et des musulmans. C’est en tout cas ce soit-disant séparatisme là qui serait prioritaire à traiter aux yeux de nos gouvernantes et gouvernants.

C’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes  : au moment où une crise sanitaire, sociale et écologique rend visible comme jamais l’ordre social inégalitaire du libéralisme, s’en prendre à une catégorie de population pour faire diverger les regards n’est pas très nouveau. Ce que Macron fait, aidé en cela par les propos de Darmanin sur un « ensauvagement » fantasmé de la société, ce n’est ni plus ni moins qu’un réagencement de la réalité pour s’exonérer des vrais clivages de notre société : ceux liés à la répartition des richesses, ceux de l’utilité sociale… tout ce que la crise fait éclater au yeux de la population.

Refuser la stigmatisation des musulman-es à des fins électoralistes, refuser l’islamophobie et remettre la question sociale au centre du débat voilà l’enjeu.

Cet enjeu n’est pas seulement sociétal. Il est syndical. Il est syndical d’abord parce que nos élèves, leurs parents et nos collègues peuvent à tout moment être victime d’islamophobie. Tout le monde a en mémoire les évènements du Conseil Régional de Bourgogne où une mère d’élève avait été prise à partie de façon infâme par un élu RN. Ni la couleur de peau, ni la nationalité n’étaient visées : Ce n’était pas du racisme, ni de la xénophobie mais de l’islamophobie. Fidèle à ses habitudes, faisant fi d’une réalité de terrain apaisée où notre professionnalité permet d’évacuer tout prosélytisme, le Ministre avait estimé la loi sur l’accompagnement des sorties scolaires mal faite. Sa propension à s’aligner sur les positions les plus excluantes et stigmatisantes pourrait le conduire à tenter de remettre en cause l’existant.

C’est un enjeu syndical aussi parce que penser la démocratisation de l’école, penser l’émancipation de tou-tes nos élèves par les savoirs ne peut se faire en acceptant des clivages artificiels qui stigmatisent et à terme excluent des mômes et leurs familles. Nous ne pouvons pas accepter la duplicité qui consisterai d’un côté à enseigner en classe le « vivre ensemble » tout en laissant dans la société se diffuser le venin de la méfiance et de la défiance envers qui que ce soit en fonction de ses croyances religieuses. Venin qui conduira toujours, comme c’est déjà le cas, à des discriminations et des violences.

Sur ces questions, les mandats du SNUipp de dénonciation de l’islamophobie, d’une laïcité qui n’exclut pas les familles, de confiance en nos collègues pour bannir tout prosélytisme est le bon. De la même façon que nous le faisons pour les sans-papiers, il faut dès maintenant se donner les moyens de les faire vivre, de construire les résistances y compris, et surtout même, avec les premières et les premiers concerné-es.